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ANNÉE 1767

rien n’a réussi. J’ai fait planter plus de vingt mille pieds d’arbres que j’avais tirés de Savoie ; presque tous sont morts. J’ai bordé quatre fois le grand chemin de noyers et de châtaigniers ; les trois quarts ont péri, ou ont été arrachés par les paysans : cependant je ne me suis pas rebuté ; et, tout vieux et infirme que je suis, je planterais aujourd’hui, sûr de mourir demain. Les autres en jouiront.

Nous n’avons point de pépinières dans le désert que j’habite. Je vois que vous êtes à la tête des pépinières du royaume, et que vous avez formé des enfants à ce genre de culture avec succès. Puis-je prendre la liberté de m’adresser à vous pour avoir deux cents ormeaux qu’on arracherait à la fin de l’automne prochain, qu’on m’enverrait pendant l’hiver par les rouliers, et que je planterais au printemps ? Je les payerai au prix que vous ordonnerez. Je voudrais qu’on leur laissât à tous un peu de tête.

Il y a une espèce de cormier qui rapporte des grappes rouges, et que nous appelons timier[1] ; ils réussissent assez bien dans notre climat. Si vos ordres pouvaient m’en procurer une centaine, je vous aurais, monsieur, beaucoup d’obligation. J’ai été très-touché de votre amour pour le bien public ; celui qui fait croître deux brins d’herbe où il n’en croissait qu’un rend service à l’État.

J’ai l’honneur d’être avec l’estime la plus respectueuse, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.
6902. — À M. CASSEN[2],
avocat au conseil.
À Ferney, 2 juin 1767.

Voici le temps, monsieur, où la famille Sirven, que vous protégez, attend tout de vos bontés. M. de Chardon est actuellement délivré du triste travail qui l’a occupé si longtemps au sujet de la Caïenne. Les Sirven et moi, nous vous supplions, monsieur, de lui présenter nos prières et notre reconnaissance. Il peut actuellement rapporter l’affaire de cette malheureuse famille. Elle est prête à venir se rendre en prison quand il le faudra.

Je sais bien que M. de Beaumont est malheureusement obligé de plaider à présent pour lui-même. Je le plains autant que je

  1. C’est le sorbier des oiseleurs ; sorbus aucuparia L. (Note de François de Neufchâteau.)
  2. Dernier Volume des œuvres de Voltaire, 1862.