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CORRESPONDANCE.

tout ce que vous désirez. Je me flatte toujours que la naïveté singulière des Scythes les sauvera à la fin : car la naïveté est un mérite tout neuf, et il faut du neuf aux Welches. Mettez votre gloire à faire réussir ce que vous avez approuvé, et ne vous laissez jamais séduire par ces Welches capricieux.

À vous, monsieur Lekain : continuez, combattez pour la bonne cause, ne vous laissez point abattre par les cabales et par le mauvais goût. J’aimerai toujours vos talents et votre personne ; et s’il me reste des forces, c’est pour vous que je les emploierai.

Voilà, mon cher ange, tous mes sentiments que je dépose entre vos mains, et que je vous supplie de faire valoir avec votre bonté ordinaire ; mais surtout ayez soin d’une santé si chère à tous ceux qui ont ou qui ont eu le bonheur de vivre avec vous.

6912. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
11 juin.

Mon cher marquis, j’allais vous écrire quand j’ai reçu votre lettre. Je n’ai pas, depuis quelque temps, une destinée fort heureuse. J’ai été bien consolé quand vous m’avez appris que vous viendriez passer quelque temps dans votre ancien ermitage, et accepter une cellule dans l’abbaye de Ferney ; mais voici une nouvelle contradiction qui me survient. Je ne sais si vous êtes instruit que j’ai la plus grande partie de mon bien chez M. le duc de Wurtemberg. On propose un arrangement, et je me trouve dans la nécessité d’aller à Montbéliard. Ce voyage me déplaît fort, mais il m’est indispensable. Je vous prie de m’instruire au juste du temps auquel vous pourrez venir, afin que je règle ma marche.

Je présume qu’on commencera le procès des Sirven au conseil pendant votre séjour à Paris. Il me paraît presque impossible qu’on ne leur rende pas la même justice qu’aux Calas.

Vous allez voir des remontrances sur les deux vingtièmes. C’est fort bien de remontrer, mais il faut payer ses dettes. Si le parlement trouve le secret de libérer l’État sans contribution, il me paraîtra fort habile. Messieurs vos fils seront sans doute du camp de Compiègne. N’irez-vous pas à ce spectacle ? il est plus beau que ceux dont vous me parlez. Voulez-vous bien me mettre aux pieds deMme la princesse de Ligne ? Je la crois très-favorable à la bonne cause. Adieu ; je vous embrasse de tout mon cœur.