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ANNÉE 1767

d’en sauter près de la moitié, et encore ai-je été malade de l’effort. Vous savez que j’ai soixante-quatorze ans, et que ma constitution est faible. Il y a aujourd’hui quatre années révolues que je ne suis sorti de l’ermitage que j’ai bâti. Mon cœur est à Schwetzingen ; mais mon corps n’attend qu’un petit tombeau fort modeste que je me suis élevé auprès d’une petite église de ma façon. Hélas ! comment oserai-je me présenter devant Leurs Altesses électorales, ayant presque perdu la vue, et n’entendant que très-difficilement ? Il faut savoir subir sa destinée. Nous avons à Ferney d’excellents acteurs ; leurs talents me consolent quelquefois dans ma décrépitude ; le climat est dur, mais la situation est charmante ; j’achève doucement ma vie entre une nièce et Mlle Corneille, que j’ai mariée, et quelques amis qui viennent partager ma retraite. Mais rien ne me dédommage de Schwetzingen. Je me ferai un plaisir bien vif de vous voir à Manheim, dans le sein de votre famille. J’embrasse de loin votre femme et vos enfants. Je m’intéresserai à votre bonheur jusqu’au dernier moment de ma vie.

Mettez-moi, je vous prie, aux pieds de Leurs Altesses. Plaignez-moi, et que votre amitié soit ma consolation.

6931. — À M. BORDES[1].
8 juillet.

J’aurai peut-être demain jeudi de vos nouvelles, mon cher confrère, et je saurai à quoi m’en tenir avec les frères Périsse. En attendant, voici un mémoire que je vous prie de lire. Vous sentez assez que je n’ai pu me dispenser de le publier. Il faut bien à la fin confondre un pervers. Voilà le secret des lettres anonymes découvert.

Je vous prie d’éclairer de vos lumières un solitaire qui ne voit les choses que de loin, qui doit toujours redouter le public, mais qui a été forcé de parler. Dites-moi ce que vous pensez, et soyez bien persuadé de tout ce que je sens pour vous.

6932. — À M. DE SARTINES[2].
Ferney, pays de Gex, par Genève, 8 juillet.

Monseigneur, la vérité et moi, nous implorons votre protection contre la calomnie et contre les lettres anonymes. Vous daigne-

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. L’original ne porte pas d’adresse ; elle était sur l’enveloppe. Je présume