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ANNÉE 1767

à Mazères, au pays de Foix, et de vous renouveler le profond respect et la reconnaissance avec lesquels je serai toute ma vie, monseigneur, votre très-humble, très-obéissant et obligé serviteur.

Voltaire.


6933. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
À Ferney, par Genève, 8 juillet 1767.

Madame, la vieillesse, la maladie et la retraite, me laissent bien rarement la consolation d’écrire à Votre Altesse sérénissime. Les embarras causés par les troubles de Genève, des troupes de France envoyées dans notre petit pays, la longue interruption de toute communication, la disette qui est attachée à ces petites révolutions, et toutes les peines journalières qui en résultent, voilà bien de tristes raisons, madame, qui excusent un si long silence.

À toutes ces peines s’est jointe une nouvelle horreur de La Beaumelle. Votre Altesse sérénissime peut se ressouvenir qu’après avoir insulté votre auguste nom dans un mauvais livre intitulé Mes Pensées, il osa paraître dans Gotha, et qu’il en sortit précipitamment avec une fille qui avait volé sa maîtresse. Il a eu en dernier lieu la hardiesse d’imputer cette dernière action à un autre Français, qui s’est adressé à moi pour se plaindre de cette calomnie et pour demander mon témoignage. J’ai été obligé de le donner, attendu que j’ai été témoin de la vérité, et que tout Gotha avait vu La Beaumelle partir avec cette malheureuse, lorsque je vins vous faire ma cour. Il n’est pas juste en effet, madame, que l’innocent pâtisse pour le coupable. Aucun autre

    une syllabe. Je vis dans mes terres, au sein de ma famille, partagé entre la culture de mon jardin et mon Tacite. Il serait bien juste que, si Voltaire ne veut pas jouir enfin tranquillement de sa gloire, il laissât au moins les autres jouir de leur obscurité. Je me flatte donc, monseigneur, que si quelque écrit, soit manuscrit, soit imprimé, vous est ou vous a été déjà déféré comme étant de moi, vous daignerez me le faire communiquer, afin que je puisse vous donner tous les éclaircissements convenables. Je suis d’autant plus fondé à vous faire cette prière qu’il est public qu’en 1751 mon ennemi me nuisit essentiellement en m’attribuant ce qui ne m’appartenait pas.


    « Je suis avec un très-profond respect, monseigneur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


    « La Beaumelle. »

    Je crois cette lettre inédite ; c’est ce qui m’a décidé à la donner ici. (B.)

  1. Éditeurs, Bavoux et François.