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CORRESPONDANCE.

Je reviens à la comédie. Vous allez avoir une nouvelle pièce[1], dont Lekain ne me parle pas. Je suis bien aise qu’il y ait quelques nouveautés qui fassent entièrement oublier les Illinois[2]. Les nouveautés de MM. de Chabanon et de La Harpe ne seront pas de sitôt prêtes. Tant mieux ; plus ils travailleront, plus ils réussiront. M. de Chabanon vous est toujours très-attaché, maman[3] aussi, et moi aussi, qui vous adore. Mme d’Argental me boude, mais mettez-moi à ses pieds.

6968. — À M. LACOMBE.
À Ferney, le 7 auguste.

Il serait sans doute bien flatteur pour moi qu’un homme de lettres tel que vous, monsieur, qui a bien voulu se donner à la typographie, entreprît la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV, que j’ai consacré principalement à la gloire des belles-lettres et des beaux-arts. J’ai augmenté le catalogue raisonné des gens de lettres d’un grand tiers, et j’ai tâché de détruire plus d’un préjugé et plus d’une fable qui déshonoraient un peu l’histoire littéraire de ce beau siècle. J’en ai usé ainsi dans la liste des souverains contemporains, des princes du sang, des généraux et des ministres. D’anciens recueils que j’avais faits pour mon usage m’ont beaucoup servi. J’ai reçu de toutes parts, depuis dix années, des instructions que je fais entrer dans le corps de l’ouvrage : j’ose enfin le regarder comme un monument élevé à l’honneur de la France.

Il est très-triste pour moi que cette édition ne se fasse pas en France ; mais vous savez que je suis plus près de Genève et de Lausanne que de Paris. L’édition est commencée. Ma méthode, dont je n’ai jamais pu me départir, est de faire imprimer sous mes yeux, et de corriger à chaque feuille ce que je trouve de défectueux dans le style. J’en use ainsi en vers et en prose. On voit mieux ses fautes quand elles sont imprimées.

Au reste, cette édition est principalement destinée aux pays étrangers. Vous ne sauriez croire quels progrès a faits notre langue depuis dix ans dans le Nord : on y recherche nos livres avec plus d’avidité qu’en France. Nos gens de lettres instruisent vingt

  1. La tragédie de Cosroès, par Lefèvre, l’ut jouée le 26 auguste 1767. Pierre François-Alexandre Lefèvre, né en 1741, est mort à la Flèche le 9 mars 1813.
  2. Voyez lettre 6883.
  3. Mme Denis.