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ANNÉE 1767

Il a transmis sa valeur aux soldats ;
Il va venger les malheurs de la France :
Sous ses drapeaux marchez dès aujourd’hui,
Et méritez d’être aperçu de lui.

Pour moi, je suis un pauvre diable environné actuellement du régiment de Conti, dont trois compagnies sont logées à Ferney. Si elles étaient venues il y a dix ans, elles auraient couché à la belle étoile. Je fais ce que je peux pour que les officiers et les soldats soient contents ; mais mon âge et mes maladies ne me permettent pas de faire les honneurs de mon ermitage comme je le voudrais. Je ne me mets plus à table avec personne. J’achève ma carrière tout doucement ; et, quand je la finirai, vous perdrez un serviteur aussi attaché qu’inutile.

7033. — À M. LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI.
À Ferney, 1er octobre.

Je suis encore entre le mont Jura et les Alpes, monsieur, et j’y finirai bientôt ma vie. Je n’ai point reçu la lettre par laquelle vous me faisiez part de votre chambellanie. Je vous aimerais mieux dans votre palais à Bologne, que dans l’antichambre d’un prince. J’ai été aussi chambellan d’un roi, mais j’aime cent fois mieux être dans ma chambre que dans la sienne. On meurt plus à son aise chez soi que chez des rois ; c’est ce qui m’arrivera bientôt. En attendant, je vous présente mes respects.

7034. — À M. DAMILAVILLE.
2 octobre.

Fondez donc cette maudite glande, mon cher et digne ami. Que l’exemple de M. Dubois vous rende bien attentif et bien vigilant : vous n’avez pas, comme lui, cent mille écus de rente à perdre ; mais vous avez à conserver cette âme philosophique et vertueuse, si nécessaire dans un temps où le fanatisme ose combattre encore la raison et la probité. Vous êtes dans la force de l’âge ; vous serez utile aux gens de bien qui pensent comme il faut, et moi, je ne suis plus bon à rien. Je suis actuellement obligé de me coucher à sept heures du soir. Je ne peux plus travailler.

Que Merlin ne fourre pas mon nom à la bagatelle que je lui ai donnée. Si par hasard son édition a quelque succès dans ce