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ANNÉE 1767

Tout ce qui est à Ferney vous fait les plus sincères compliments. Je n’ai pas besoin des arts qui doivent nous unir l’un et l’autre, pour vous être tendrement attaché pour le reste de ma vie.

7050. — À M. L’ABBÉ DE VOISENON.
19 octobre.

Je n’osais me plaindre de votre silence, mon cher ancien évêque de Montrouge, mais j’en étais affligé. Vous sentez bien que, dans la décadence où nous sommes, et dans la barbarie dont nous approchons, vous m’êtes nécessaire pour me consoler. Si Mme de Saint-Julien prend des cuisiniers à l’Opéra, vous pourriez bien prendre des marmitons à la Comédie française. Si vous aviez été homme à venir faire un pèlerinage à Ferney, vous auriez été étonné d’y voir des tragédies mieux jouées qu’à Paris. Nous avons depuis un an M. et Mme de La Harpe, et M. de Chabanon, qui sont d’excellents acteurs. Il y a des rôles dont la descendante de Corneille se tire très-bien, et elle récite quelquefois des vers comme l’auteur de Cinna les faisait. Mme Denis a joué supérieurement dans une bagatelle intitulée la Comtesse de Givry, ou Charlot. Monsieur l’évêque de Montrouge aurait donné sa bénédiction à toutes nos fêtes.

Je ne sais si vous êtes docteur de Sorbonne : si vous l’êtes, vous ne prendrez pas assurément le parti de Riballier contre Marmontel. Ce maraud et ses semblables veulent absolument que Dieu soit aussi méchant qu’eux. Vous savez bien que les hommes ont toujours fait Dieu à leur image. Je vous parle votre langage de prêtre. Je suis trop vieux et trop hors de combat pour vous parler la langue de la bonne compagnie, qui vous est plus naturelle que celle de l’Église.

Conservez-moi vos bontés, comme vous avez conservé votre gaieté. Mme Denis et tout ce qui est à Ferney vous fait ses compliments de tout son cœur. V.

7051. — À M. COLINI.
Ferney, 21 octobre.

J’ai lu, mon cher ami, avec un très-grand plaisir votre Dissertation[1] sur la mauvaise humeur où était si justement l’électeur

  1. Dissertation historique et critique sur le prétendu cartel envoyé par Charles-Louis, électeur palatin, au vicomte de Turenne ; Manheim, 1767, in-8°.