Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/45

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d’écrire ; il faut parler, dans une affaire aussi importante, et parler fortement.

Monsieur le vice-chancelier a fait tout le contraire de ce que nous espérions : nous nous flattions qu’il retiendrait le fond de l’affaire à lui seul, et qu’il laisserait à la justice ordinaire le soin de décider si la saisie de mon équipage était légale ou non.

Nous demandions qu’il se fit instruire de ce que c’est qu’une femme Doiret, de Châlons ; nous empêchions par là qu’on ne perçât jusqu’à une dame Le Jeune, trop connue dans le pays où nous sommes, et surtout par les domestiques de M. de Beauteville, qui n’est que trop instruit de cette affaire.

Un malheureux délai, dans des circonstances qui demandaient la plus grande célérité, nous jette dans un abîme nouveau ; et l’idée de faire passer la dame Le Jeune pour la parente de notre femme de charge, idée contraire à tout ce que nous avions mandé et à la vérité, a augmenté notre malheur et notre désespoir. Il n’y a rien de si funeste dans les affaires de cette espèce que les contradictions ; elles peuvent tenir lieu de conviction d’un délit que nous n’avons certainement pas commis, et ce n’est pas à moi de payer l’amende et d’être déshonorée dans le pays pour une femme étrangère, dont j’ignore absolument le commerce.

Il était tout naturel de penser que M. le duc de Praslin, ou M. d’Argental, aurait prévenu d’un mot le funeste état où nous sommes.

Tout ce qui reste à faire, à mon avis, c’est d’engager M. de Montyon à différer son rapport, sous prétexte que nous avons encore des pièces essentielles à produire. C’est ce que mon oncle lui mande, et ce que mon frère#1, son ami intime, lui certifiera. On pourra, pendant ces délais, parler à monsieur le vice-chancelier, qui est le maître absolu de cette affaire, comme on l’avait marqué d’abord à M. d’Argental, et qui peut encore tout assoupir.

Je vous avoue que je suis toute confondue que M. le duc de Praslin ne se soit pas mis en quatre dans cette occasion. Ce n’est, certainement pas notre affaire, puisque les livres appartiennent à Mme Le Jeune, et non à nous. Il serait affreux que je fusse condamnée a l’amende pour elle. Cet affront serait capable de me faire mourir de douleur. La saisie est pleine d’irrégularités, et les gens du bureau de Collonges ne méritent que punition.[1]

  1. L’abbé Mignot.