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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/490

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CORRESPONDANCE.

Tous les esprits sont violemment irrités contre lui à Genève. Cette affaire est très-désagréable ; mais, après tout, l’âge peut le mûrir. Tout ce que vous avez daigné faire pour lui peut parler à son cœur ; et, quelque chose qui arrive, vous aurez toujours la satisfaction d’avoir exercé les sentiments de votre caractère noble et bienfaisant.

Le thermomètre est ici à treize degrés et un quart au-dessous de la glace ; l’encre gèle ; mais quoique Galien m’intitule vieillard moribond, je sens que mon cœur a encore quelque chaleur. Elle est tout entière pour vous ; elle anime le profond respect avec lequel je vous serai attaché jusqu’au dernier moment de ma vie.

7123. — À M. HENRI PANCKOUCKE[1].
À Ferney, le 8 janvier.

Vous ne sauriez croire, monsieur, combien j’aime le stoïcien Caton, tout épicurien que je suis. Vous avez bien raison de penser que l’amour serait fort mal placé dans un pareil sujet. La partie carrée des deux filles de Caton, dans Addison, fait voir que les Anglais ont souvent pris nos ridicules. Je suis très-aise que vous ne vous soyez point laissé entraîner au mauvais goût. Les Français ne sont pas encore dignes d’avoir beaucoup de tragédies sans amour, et je doute même que la mode en vienne jamais ; mais vous me paraissez digne de mettre au jour les vertus morales et héroïques sur le théâtre.

J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments d’estime que vous méritez, monsieur, votre, etc.

7124. — À M. LE MARQUIS DE VILLEVIEILLE.
8 janvier.

Il y a des occasions, monsieur, où il faut chanter des Te Deum au lieu de De Profundis. Les âmes de ces deux braves gens sont immortelles sans doute, puisqu’elles ont eu tant de lumières et tant de courage. J’espère bientôt avoir l’honneur de mourir comme eux, quoique des faquins aient poussé la calomnie jus-

  1. Henri Panckoucke, cousin de celui à qui sont adressées les lettres 6775 et 7158, est auteur de la Mort de Caton, tragédie en trois actes et en vers, 1768, in-8°, dont il avait envoyé un exemplaire à Voltaire. Il existe de cette pièce deux éditions avec le nom de Voltaire.