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CORRESPONDANCE.

malheureux usage qui a un peu appauvri la langue française, et qui lui a donné plus de clarté que d’énergie et d’abondance : c’est une indigente orgueilleuse qui craint qu’on ne lui fasse l’aumône. Vous êtes parfaitement instruit de sa marche, et vous sentez qu’elle manque quelquefois d’habits. Les philosophes n’ont point fait les langues, et voilà pourquoi elles sont toutes imparfaites.

J’ai déjà lu une grande partie de votre livre. Je vous fais, monsieur, mes sincères remerciements de la satisfaction que j’ai eue, et de celle que j’aurai.

J’ai l’honneur, d’être, etc.

7136. — À M. DAMILAVILLE.
15 janvier.

Je réponds en hâte, mon cher ami, à votre lettre du 7. Je ne conçois pas comment M. d’Argental peut hésiter un moment à faire parler M. le duc de Praslin. On augmente son crédit quand on l’emploie pour la justice et pour l’amitié. La timidité en pareil cas serait une lâcheté dont il est incapable.

M. Boursier[1] m’a dit que vous vouliez avoir je ne sais quel rogaton d’un nommé Saint-Hyacinthe[2]. Il demande par quelle voie il faut vous le faire tenir. Il dit que, s’il tombait en d’autres mains, cela pourrait vous nuire dans les circonstances présentes. Je vous demande en grâce de ne point trop effaroucher ceux qui protègent le jeune Mabille. Vous connaissez cet excellent vers de La Motte :

Un ennemi nuit plus que cent amis ne servent[3]

.

La protectrice de Mabille paraît se rendre à la raison, et ne veut point du tout qu’on vous laisse sans récompense. Que le titulaire vive encore seulement six semaines, et j’ose croire que M. le duc de Choiseul parlera.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. Les premières phrases de cet alinéa ont été mises quelquefois dans la lettre 7146.
  2. Le Dîner du comte de Boulainvilliers, voyez tome XXVI, page 531.
  3. Livre V, fable iv, vers 51.