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CORRESPONDANCE

Il est très-certain que ce Dîner, dans lequel on ne servit que des poisons contre la religion chrétienne, est de Saint-Hyacinthe, et fut imprimé et supprimé il y a quarante ans juste. Cela est si vrai qu’on parle dans ce petit livre du commencement des convulsions et du cardinal de Fleury, et que tout y atteste l’époque où il fut composé.

Je sais, par une triste expérience, combien les calomnies les plus absurdes sont dangereuses, et viennent m’assiéger jusqu’au fond de ma retraite et empoisonner les derniers jours de ma vie. Votre amitié, monsieur, et la justice que vous me rendez, sont mes consolations. J’y ajoute celle d’employer mes derniers jours à la gloire de la patrie et de la religion, en donnant une édition du Siècle de Louis XIV, augmentée d’un grand tiers. Voilà ma seule occupation : il n’est pas juste qu’on cherche à me perdre pour toute récompense.

Je suis pénétré des sentiments les plus respectueux pour les deux nouveaux mariés de Champagne.

7179. — À M. MAIGROT.
À Ferney, 12 février.

Je vous remercie, monsieur, de toutes vos bontés. La lettre de Louis XIV m’était absolument nécessaire : elle fait voir avec évidence qu’il en voulait personnellement à l’archevêque de Cambrai[1]. Je trouve que, dans cette affaire, ce monarque se conduisit plus en homme piqué qu’en roi ; et que le cardinal de Bouillon concilia noblement son devoir d’ambassadeur avec celui d’un ami.

J’ai déjà donné la bataille de Steinkerque. J’ai dit simplement que la France regretta le prince de Turenne, qui donnait l’espérance d’égaler un jour son grand-oncle[2].

J’ai retrouvé heureusement la lettre de Louis XIV au cardinal de La Trimouille[3], écrite en 1710, contre le cardinal de Bouillon. Il dit, dans cette lettre, qu’il est à craindre que ce doyen du sacré-collége ne devienne un jour pape. Cette anecdote est curieuse, et mérite de passer à la postérité. Le temps est venu où la vérité doit paraître ; et, quand on la dit sans blesser les bienséances, on ne doit déplaire à personne.

  1. Voyez tome XV, page 73.
  2. Voyez tome XIV, page 315.
  3. Voyez tome XV, page 75.