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CORRESPONDANCE
7323. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[1].
Au château de Ferney, ce 27 auguste 1768.

Monsieur, je me flatte que vous aurez d’excellent vin cette année, et que vous voudrez bien que j’en boive cent bouteilles. M. le président de Brosses me fait boire la lie du vin de la terre de Tournay. Si vous vendiez votre vin aussi cher qu’il vend le sien, vous feriez une fortune immense. S’il veut vous prendre pour arbitre, vous êtes un gourmet en fait de procédés : j’en passerai par ce que vous ordonnerez. Au reste, si M. de Brosses ne veut pas me rendre justice, j’aime mieux souffrir que plaider ; et quoique j’aie beaucoup perdu avec lui dans cette affaire, j’aime mieux mon rôle que le sien.

Permettez-moi de présenter mes hommages à Mme Le Bault[2].

J’ai l’honneur d’être avec bien du respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.
7324. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
31 auguste.

Je ne puis qu’approuver le patriotisme de M. Fitz-Gérald, qui veut diminuer, autant qu’il le peut, l’horreur de la Saint-Barthélémy d’Irlande. J’en ferais bien autant, si je le pouvais, de la Saint-Barthélémy de France. Il a raison de citer M. Brooke, qui paraît prouver en effet que les catholiques n’égorgèrent que quarante mille protestants, en comptant les femmes et les enfants, et les filles qu’on pendait au cou de leurs mères. Il est vrai que, dans la première chaleur de ce saint événement, le parlement d’Angleterre spécifia expressément le massacre de cent cinquante mille personnes ; mais il pouvait avoir été trompé par les plaintes indiscrètes des parents des massacrés. Peut-être on exagérait trop d’un côté, et on diminuait trop de l’autre. La vérité prend d’ordinaire un juste milieu ; et quand nous supposerons qu’il n’y eut

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. Jeanne-Jacquette Burteur, morte à Dijon le 1er mai 1811.

    Douée d’un talent musical très-remarquable, plusieurs personnes se souviennent d’avoir entendu Mme Le Bault, à quatre-vingt-cinq ou quatre-vingt-six ans, chanter des airs de Rameau, qui avait été à Dijon son premier maître de clavecin. Elle avait été fort belle. (Th. F.)