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CORRESPONDANCE

hasardeux dans ses anecdotes ; trop court sur les grands événements pour être lu avec utilité ; trop long sur des minuties pour être lu sans ennui ; trop attentif à ramasser tout ce qui est étranger à son sujet, tout ce qui l’éloigne de son but, pour obtenir grâce sur les réticences affectées, sur les négligences de son style, sur les omissions de faits importants, sur la confusion qui règne dans ses dates ; auteur estimable pourtant, sinon par l’exécution, du moins par le projet, mais fort inférieur à Marcel[1], quoiqu’il l’ait fait oublier. »

C’est ce même La Beaumelle qui, dans ses Mémoires de Maintenon, insulte toutes les grandes maisons du royaume, et prodigue le mensonge et la calomnie avec l’audace qu’un historien fidèle n’aurait jamais, et que quelques sots ont prise pour la noble hardiesse de la vérité. Je sais qu’il fait actuellement une Histoire de Henri IV, dans laquelle il essaie de vous réfuter sur plusieurs points. Cet homme a de l’esprit et de la lecture, un style violent, mais serré et ferme, qui éblouit le lecteur : il est protégé par deux ou trois dames qui ont été élevées à Saint-Cyr, et dont il tient les Lettres de Mme de Maintenon, qu’il a fait imprimer. Le roi, instruit de l’insolence de cet homme, qui a été prédicant à Genève, lui a fait défense, par M. de Saint-Florentin, d’exercer son talent de médire. Cette défense lui a été signifiée par le commandant du pays de Foix[2].

Mon zèle et mon amitié ne m’ont pas permis de vous laisser ignorer ce qui intéresse également la vérité, la nation, et vous. Je vous crois à portée de faire un usage utile de tout ce que je vous mande ; je m’en remets à votre sagesse, et je vous prie de me continuer une amitié qui fait la consolation de ma vie.

Je vous prie, mon cher et illustre confrère, de dire à Mme du Déffant qu’elle sera toujours dans mon cœur.

7332. — À M. RICHARD,
négociant à murcie.
À Ferney, 13 septembre.

Je vous dois, monsieur, une réponse depuis deux mois. Je suis de ceux que leurs mauvaises affaires empêchent de payer leurs dettes à l’échéance. La vieillesse et les maladies qui m’acca-

  1. Guillaume Marcel, avocat et chronologiste, né à Toulouse en 1647, mort en 1708.
  2. Voyez tome XLV, pages 321 et 324.