Ce qu’on imprime sous mon nom me fait un peu plus de peine ; mais que voulez-vous ? je ne suis pas le maître. M. l’apothicaire Arnould peut-il empêcher qu’on ne contrefasse ses sachets ? Adieu. Qui bene latuit bene vixit[1].
Voici, mon cher ange, un Tronchin[2], un philosophe, un homme d’esprit, un homme libre, un homme aimable, un homme digne de vous et de Mme d’Argental, un des ci-devant vingt-cinq rois de Genève, qui s’est démis de sa royauté, comme la reine Christine, pour vivre en bonne compagnie.
Je tiens ma parole à mes anges. Je reçus leur paquet hier, et j’en fais partir un autre aujourd’hui. On juge plus à son aise quand il n’y a point de ratures, point d’écriture différente, point de renvois, point de petits brimborions à rajuster, et qui dispersent toutes les idées. J’ai appris enfin le véritable secret de la chose ; c’est que cette facétie est de feu M. Desmahis, jeune homme qui promettait beaucoup, et qui est mort à Paris de la poitrine, au service des dames. Il faisait des vers naturels et faciles, précisément comme ceux des Guèbres, et il était fort pour les tragédies bourgeoises. Celle-ci est à la fois bourgeoise et impériale. Enfin Desmahis est l’auteur de la pièce ; il est mort, il ne nous dédira pas.
Le possédé, ayant été exorcisé par vous, a beaucoup adouci son humeur sur les prêtres. L’empereur en faisait une satire qui n’aurait jamais passé. Il s’explique à présent d’une façon qui serait très-fort de mise en chancellerie. Je commence à croire que la pièce peut passer, surtout si elle est de Desmahis ; en ce cas, la chose sera tout à fait plaisante.
Si les Guèbres sont bien joués, ils feront un beau fracas ; il y a des attitudes pour tout le monde
À genoux, mes enfants[3],
doit faire un grand effet, et la déclaration de César[4] n’est pas de paille.