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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/131

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ANNÉE 1768.

Melpomène avait besoin d’un habit neuf ; celui-ci n’est pas de la friperie.

Que cela vous amuse, mon cher ange, c’est là mon grand but : vous êtes tous deux mon parterre et mes loges.

7336. — À M. LE COMTE DE LA TOURAILLE.
À Ferney, 16 septembre.

Je reconnais, monsieur, la justesse de votre esprit et la honte de votre cœur dans la lettre dont vous m’honorez. J’ai toujours pensé que les athées étaient de très-mauvais raisonneurs, et que cette malheureuse philosophie n’est pas moins dangereuse qu’absurde. La plupart des hommes, et encore plus des dames, jugent sans réfléchir, et parlent sans penser. Une femme, dirigée par un janséniste, croit que c’est être athée que de nier la grâce efficace, comme les dévotes des jésuites accusaient d’athéisme ceux qui doutaient de la grâce versatile. Je suis persuadé qu’actuellement les dévotes de Rome regardent le roi de France, le roi d’Espagne, le roi de Naples et le duc de Parme, comme de francs athées[1].

Le monde est rempli d’automates qui ne méritent pas qu’on leur parle. Le nombre des sages sera toujours extrêmement petit. Vous êtes non-seulement, monsieur, de ce petit nombre des élus, mais encore du plus petit nombre des bienfaisants. Pour moi, à qui mon âge et mes maladies ne laissent que peu de temps à vivre, je serai jusqu’au dernier moment de ma vie au nombre, non moins petit, des reconnaissants.

7337. — À M. BORDES.
16 septembre.

Mon cher correspondant, si les ouvrages gais guérissent les vapeurs, il faut vous dire : Médecin, guèris-toi toi-même[2] ; vous êtes à la source des remèdes. Qui fait, quand il le veut, des choses plus gaies, plus agréables, plus spirituelles que vous ?

Il est très-vrai que Jean-Jacques a mis tous ses petits bâtards à l’hôpital. Je suis fort aise qu’il fasse une fin, et que la sorcière termine ses amours en épousant son sorcier. Je ne croyais pas

  1. Tous ces princes avaient chassé les jésuites de leurs États.
  2. Luc, iv, 23.