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CORRESPONDANCE

Je me flatte que, touché de mon triste sort, vous m’honorerez d’une réponse qui dissipera cet avenir affreux que j’envisage, et que je ne puis éviter sans vos bontés. Dans cette confiance, permettez que je me dise avec respect, monsieur, votre très-humble, etc.

Jore, chez M. le comte Alari.

7367. — À M. LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI[1].
Ferney, 21 octobre.

Une tragédie italienne dans le goût français ! Monsieur, c’est le plus grand honneur que l’Italie, la mère des arts, puisse faire à la France, sa fille. Je souhaite passionnément de voir cet ouvrage. Vous pourriez avoir la bonté de me l’envoyer par les voitures de Milan à Lyon, à l’adresse de M. Tahareau, directeur général des postes de Lyon. Mais je vous demande en grâce que le caractère en soit bien lisible. Il faut ménager les yeux d’un vieillard qui est presque aveugle.

Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien présenter mes respects à M. Carli et de vouloir bien recevoir les miens. Pardonnez à l’état où je suis si mes lettres sont si courtes et si rares.

Vous allez donc réformer le théâtre italien ; c’est le temps, ou jamais. Le livre intitulé la Riforma d’Italia a beaucoup de réputation en Europe, et fait espérer de très-grands changements.

Permettez-moi de vous embrasser avec amitié et sans cérémonie.

7368. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 22 octobre.

Vous devez, mon cher maître, avoir reçu une lettre de notre ami Damilaville ; il m’a assuré vous avoir écrit. Son état est toujours bien fâcheux ; depuis quelques jours cependant il a de meilleures nuits ; mais son estomac se dérange de plus en plus, et ses glandes ne se dégonflent guère. Il lui est impossible de se soutenir sur ses jambes, et à peine peut-il se traîner de son lit à son fauteuil, avec le secours de son domestique. Quant à moi, mon cher ami, ma santé est assez bonne ; mais j’ai le cœur navré des sottises de toute espèce dont je suis témoin. Avez-vous su que la chambre des vacations, à laquelle président le janséniste de Saint-Fargeau et le dévot politique Pasquier, a condamné au carcan et aux galères[2] un pauvre diable qui est

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez l’avertissement de Beuchot en tête du tome XXI, page xiv.