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ANNÉE 1768.
7397. — À M. LE MARQUIS DE VILLEVIEILLE[1].
À Ferney, 19 novembre.

Je vous ai attendu, mon cher marquis, et je n’ai point entendu parler de vous. Si je suis assez malheureux pour ne vous pas posséder chez moi, si vous êtes à Montpellier, je vous demande une grâce, c’est de me mettre au fait d’un prétendu marquis de Belestat. J’ai reçu plusieurs lettres sous ce nom, datées de Montpellier. Celui qui les écrit se dit un jeune homme qui aime les lettres. Il m’envoya, il y a quelques mois, un Éloge de Clémence Isaure. Je lui ai écrit, depuis ce temps-là, deux lettres pour une affaire très-importante : je n’ai point eu de réponse ; et on m’avertit que ce marquis de Belestat n’existe pas. Dites-moi, je vous prie, ce que vous en savez. Soyez bien persuadé surtout que de tous les marquis de votre pays vous êtes celui que j’aime le mieux.

7398. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
21 novembre.

Il vaut mieux servir tout à la fois que plat à plat ; ainsi j’envoie à mon divin ange les Guèbres tout entiers, sous le couvert de M. le duc de Praslin. Il m’a paru impossible d’adoucir les traits contre messieurs de Pluton. Si ce sont en effet des prêtres païens, des prêtres des enfers, on ne peut trop les rendre odieux, si les malintentionnés s’obstinent à traiter cela d’allégories, rien ne les en empêchera, quelque tour que l’on prenne.

Je sens bien que mon nom est plus à craindre que la pièce même. Ce serait mon nom qui ferait naître toutes les allusions ; il porte toujours malheur à la sacro-sainte. Il est constant que la chose en elle-même est non-seulement de la plus grande innocence, mais de la meilleure morale. Si les allusions qu’on peut faire devaient empêcher les pièces d’être jouées, il n’y en aurait aucune qu’on pût représenter. Le possédé a pris son parti ; si on ne peut avoir une approbation, il s’en passera très-bien ; il fera imprimer la facétie, qui déplaira beaucoup aux persécuteurs, mais qui plaira infiniment aux persécutés.

Et, après tout, comme il n’y a point aujourd’hui d’inquisiteurs en France qui fassent brûler les peintres qui les dessi-

  1. Editeurs, de Cayrol et François.