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CORRESPONDANCE

où le chevalier de La Barre a péri, à la honte éternelle de ce siècle infâme.

Si on ne peut jouer les Guèbres, il se trouvera un éditeur qui la fera imprimer avec une préface sage[1], dans laquelle on ira au-devant de toutes les allusions malignes. Un jour viendra que les Welches seront assez sages pour jouer les Guèbres. C’est dans cette douce espérance que je me mets à l’ombre de vos ailes avec toute la tendresse imaginable.

Est-ce Villars qu’on appelle aujourd’hui Praslin ? ou est-ce Praslin auprès de Châlons ?

Croyez-vous que Moustapha l’imbécile déclare la guerre à ma Catau-Sémiramis ? Ne pensez-vous pas que le pape aide sous main les Corses ? Si vous ne faites pas rentrer l’infant dans Castro[2], je vous coupe une aile.

Et du blé, en aurez-vous ? Je vous avertis que j’ai été obligé de semer trois fois le même champ. L’Évangile ne sait ce qu’il dit quand il prétend que ce blé doit pourrir pour germer[3] ; les pluies avaient pourri mes semences, et, malgré l’Évangile, je n’aurais pas eu un épi. Je suis un rude laboureur.

7396. — À M. BORDES[4].
18 novembre.

Il y a mille ans que je ne vous ai écrit, mon cher ami ; voici un petit livre qui m’est tombé entre les mains[5] ; je vous prie de m’en dire votre avis[6]. Vous avez reçu sans doute le Lion et les Trois Empereurs. On dit que les Français ont encore été frottés en Corse le 2 du mois. Que diable allaient-ils faire dans cette galère !

La révolution s’opère sensiblement dans les esprits, malgré les cris du fanatisme. La lumière vient par cent trous qu’il sera impossible de boucher. Je vous embrasse mille fois.

  1. Cettet préface n’était pas encore composée, à ce qu’il paraît ; mais ce fut dans les mêmes idées que Voltaire composa celle qui est tome VI. page 489.
  2. Voyez une note de la lettre 7407.
  3. Jean. xii, 24 ; et Paul, Ier aux Corinth., xv, 30.
  4. Éditeurs, de Cayrol et François. — Ce billet, presque entier, faisait jusqu’alors partie de la lettre à Bordes du 17 décembre. (G. A.)
  5. L’A, B, C.
  6. Dans la lettre du 17, on lisait ici : « Je ne vous ai point envoyé les Siècles parce qu’ils sont pleins de fautes typographiques : mon sort est d’être ridiculement imprimé. »