Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
ANNÉE 1768.

la tête, et la censure[1] contre, dans le cul. Je ne crois pas qu’il y ait rien de si déshonorant pour notre siècle. Sans votre quinzième chapitre, ce siècle était dans la boue. Vous devez aller remercier la Sorbonne en cérémonie ; elle a rassemblé les pensées d’un grand écrivain et d’un grand citoyen : elle démontre au roi que vous êtes un sujet fidèle, et à l’Église, que vous êtes un homme très-religieux. Il était impossible de travailler plus heureusement à votre justification et à votre gloire.

Votre idée de l’Histoire politique de l’Église est très-belle, mais c’est l’histoire du monde entier. Il n’y a point de royaume en Europe que le pape n’ait donné ou cru donner ; il n’y en a point où il n’ait levé des impôts, où il n’ait excité des guerres : j’en ai dit quelques mots dans l’Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations.

L’Examen dans lequel le président Hénault est si maltraité est un tour de maître Gonin que je n’ai pas encore éclairci. L’ouvrage est assurément d’un homme très-profond dans l’histoire de France. Il y a des erreurs, mais il y a aussi des recherches savantes. Le style court après celui de Montesquieu ; il l’attrape quelquefois, mais avec des solécismes et des barbarismes dont Montesquieu avait aussi sa part. On a imprimé ce petit livre sous le nom d’un marquis de Belestat. J’ai reçu moi-même de Montpellier deux lettres signées de ce nom ; et il se trouve à fin de compte qu’il n’y a point de marquis de Belestat[2] : c’est l’aventure du faux Arnauld.

Je crois, après m’être bien tourmenté à deviner, que je dois finir par rire. Plût à Dieu qu’il n’y eut dans le monde que ces petites méchancetés ! Mais je reprends mon air grave et triste quand je songe à certaines choses qui se sont passées dans mon siècle ; je ne les oublie point, je les garde pour les posthumes, et je veux que la postérité déteste les persécuteurs.

Je vous embrasse bien tendrement, mon très-cher confrère.

7401. — À M. COLINI.
Ferney, 28 novembre.

C’est votre ami, qui n’est pas encore mort, qui écrit à son cher ami par la main de son secrétaire. J’ai envoyé deux exem-

  1. Voyez tome XLV, page 456.
  2. Cependant c’est à lui que sont adressées les lettres 7358, 7359, et encore la lettre 7447.