Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
CORRESPONDANCE

j’y prends le parti d’un de ses membres. La plupart des gens voient déchirer leur confrère avec une espèce de plaisir ; je prétends leur apprendre à vivre.

Vous savez sans doute que quand l’évêque du Puy ennuyait son monde à Saint-Denis, une centaine d’auditeurs se détacha pour aller visiter le tombeau d’Henri IV. Ils se mirent tous à genoux autour du cercueil, et, attendris les uns par les autres, ils l’arrosèrent de leurs larmes. Voilà une belle oraison funèbre et une belle anecdote. Cela ne tombera pas à terre[1].

Je me flatte, madame, que votre petite mère[2] n’a rien à craindre des sots contes que l’on débite dans Paris contre son mari, que je regarde comme un homme de génie, et par conséquent comme un homme unique dans le petit siècle qui a succédé au plus grand des siècles.

Oui, sans doute, la paix vaut encore mieux que la vérité ; c’est-à-dire qu’il ne faut pas contrister son voisin pour des arguments ; mais il faut chercher la paix de l’âme dans la vérité, et fouler aux pieds des erreurs monstrueuses qui bouleverseraient cette âme, et qui la rendraient le jouet des fripons.

Soyez très-sûre qu’on passe des moments bien tristes à quatre-vingts ans, quand on nage dans le doute. Vos amis les Chaulieu et les Saint-Aulaire sont morts en paix.

7411. — À M. HENNIN.
7 décembre.

M. Hennin est supplié de vouloir bien se souvenir de l’agréable promesse qu’il a faite de prêter la réfutation du système mis en lumière par le Solon de l’empire russe[3]. On le lui rendra avec la plus grande fidélité du monde. Il ne tient qu’à lui de le donner au porteur, ou de l’envoyer chez M. Souchay.

  1. Voltaire en parla dans l’édition suivante de son Essai sur les Mœurs ; voyez tome XII, page 562.
  2. Mme de Choiseul, que Mme du Déffant appelait sa grand’maman.
  3. M. Hennin fils croit qu’il s’agit du manifeste du Grand Seigneur contre la Russie, ou d’une réfutation de l’Instruction donnée par Catherine II à la commission établie pour travailler à la rédaction d’un nouveau code de lois. Cette dernière opinion me paraît la plus probable. (B.)