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ANNÉE 1768.

voir tous les jours, et j’ai besoin de tout mon attachement pour lui pour soutenir ce spectacle. J’ai bien peur que son agonie ne soit longue et affreuse. Que le sort de la condition humaine est déplorable !

Le roi de Danemark a été samedi dernier aux académies. Il donnera son portrait à l’Académie française, comme la reine Christine. Je lui ai fait de mon mieux, les honneurs de celle des sciences par un discours dont mes confrères m’ont fort remercié, et où j’ai tâché de faire parler la philosophie avec la dignité qui lui convient. J’avais vu, il y a quinze jours, ce prince chez lui avec plusieurs autres de vos amis. Il me parla beaucoup de vous, des services que vos ouvrages avaient rendus, des préjugés que vous avez détruits, des ennemis que votre liberté de penser vous avait faits ; vous vous doutez bien de mes réponses.

Adieu, mon cher et illustre maître ; je vous aime et vous embrasse de tout mon cœur.

7410. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
7 décembre.

Puisque vous vous êtes amusée de cela[1], madame, amusez-vous de ceci : c’est un ouvrage de l’abbé Caille[2], que vous avez tant connu, et qui vous était bien tendrement attaché.

Eh, pardieu ! madame, comment pouvais-je faire avec le président ? Mille gens charitables, dans Paris, m’attribuaient cet ouvrage contre lui ; on me le mandait de tous côtés. Jamais Ragolin n’a été plus en colère que moi. Je n’ai découvert l’auteur que d’aujourd’hui, après trois mois de recherches. Ce n’est point le marquis de Belestat[3], c’est un gentilhomme de la province, qu’on appelle aussi monsieur le marquis. Il est très-profond dans l’histoire de France, c’est une espèce de comte de Boulainvilliers, très-poli dans la conversation, mais hardi et tranchant la plume à la main.

Il est bien injuste envers M. le président Hénault, et bien téméraire envers le petit-fils de Shah-Abbas[4]. Si j’ai assez de matériaux pour le réfuter, j’en userai avec toute la circonspection possible. Je veux que l’ouvrage soit utile, et qu’il vous amuse. Il s’agit d’Henri IV ; j’ai quelque droit sur ce temps-là ; je compte même dédier mon ouvrage[5] à l’Académie française, parce que

  1. C’était l’A, B, C ; voyez la lettre 7390.
  2. Les Trois Empereurs en Sorbonne, tome X.
  3. Dans la lettre 7400, Voltaire a dit qu’il n’y avait point de marquis de Belestat.
  4. Voyez les passages cités dans la lettre 7331.
  5. Voltaire n’a point fait cet ouvrage pour la défense du président Hénault ; il a rédigé seulement quelques notes dont nous avons parlé tome XV, page 532.