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CORRESPONDANCE

étant malade d’une fluxion de poitrine, m’avait chargé de vous remercier pour lui de l’exemplaire de votre ouvrage, que vous lui avez envoyé. Il est mieux à présent, mais encore bien faible : il m’a chargé de vous réitérer ses remerciements, et de vous dire que l’Académie recevrait avec grand plaisir l’exemplaire que vous lui destinez.

Je vous félicite d’avoir eu M. de Rochefort dans votre solitude pendant quelques jours ; c’est un très-galant homme, fort instruit, et ami zélé de la philosophie et des lettres.

Le roi de Danemark ne m’a presque parlé que de vous dans la conversation de deux minutes que j’ai eu l’honneur d’avoir avec lui : je vous assure qu’il aurait mieux aimé vous voir à Paris que toutes les fêtes dont on l’a accablé. J’ai fait à l’Académie des sciences, le jour qu’il est venu, un discours dont tous mes confrères et le public m’ont paru fort contents[1] ; j’y ai parlé de la philosophie et des lettres avec la dignité convenable. Le roi m’en a remercié ; mais les ennemis de la philosophie et des lettres ont fait la mine ; je vous laisse à penser si je m’en soucie.

J’ignore les intrigues de La Bletterie, et je les méprise autant que sa traduction et sa personne. Je ne vous mande rien de toutes les sottises qui se font et qui se disent ; vous les savez sans doute par d’autres, et sûrement vous en pensez comme moi. J’ai lu, il y a quelques jours, une brochure intitulée l’A, B, C[2] ; j’ai été charmé surtout de ce qu’on y dit sur la guerre et sur la liberté naturelle. Àdieu, mon cher et ancien ami ; pensez quelquefois, dans votre retraite, à un confrère qui vous aime de tout son cœur, et qui vous embrasse de même.

7421. — À M. LE COMTE D ARGENTAL.
19 décembre.

Mon cher ange, les mânes de Latouche se recommandent à votre bonté habile et courageuse. Je me trompe fort, ou il ne reste plus aucun prétexte a l’allégorie. La fin du troisième acte pouvait en fournir ; on l’a entièrement retranchée. Ces prêtres mêmes étaient trop odieux, et n’attiraient que de l’indignation lorsqu’il fallait inspirer de L’attendrissement. C’était à la jeune Guèbre à rester sur le théâtre, et non à ces vilains prêtres qu’on déteste. Elle tire des larmes ; elle est orthodoxe dans toutes les religions ; son monologue est un des moins mauvais qu’ait jamais faits Latouche. Les prêtres ne paraissent plus dans les trois derniers actes ; et leur rôle infâme étant fort adouci dans les

  1. Voyez dans les Œuvres de D’Alembert le Discours prononcé à l’Academie des sciences en présence du roi de Danemark, le 3 décembre 1768. Ce discours est aussi dans la Correspondance de Grimm.
  2. Tome XXVII. page 311.