que votre salut, et ne pouvant oublier qu’en qualité de votre pasteur, je dois rendre compte à Dieu de votre âme, comme de celles du troupeau qui m’a été confié par la divine Providence.
Je ne vous dirai pas, monsieur, combien j’ai déjà gémi sur votre état, ni combien j’ai déjà offert de prières et de supplications au Dieu des miséricordes, pour qu’il daignât enfin vous éclairer de ces lumières célestes qui font aimer et suivre la vérité, en même temps qu’elles la font connaître ; je me bornerai simplement à vous faire remarquer que le temps presse, et qu’il vous importe de ne point perdre aucun de ces moments précieux que vous pouvez encore employer utilement pour l’éternité. Un corps exténué, et déjà abattu sous le poids des années, vous avertit que vous approchez du terme où sont allés aboutir tous ces hommes fameux qui vous ont précédé et dont à peine reste-t-il aujourd’hui la mémoire. En se laissant éblouir par le faux éclat d’une gloire aussi frivole que fugitive, la plupart d’entre eux ont perdu de vue les biens et la gloire immortelle, plus dignes de fixer leurs désirs et leurs empressements. Fasse le ciel que, plus sage et plus prudent qu’eux, vous ne vous occupiez plus à l’avenir que de la recherche de ce bonheur souverain qui peut seul remplir le vide d’un cœur qui ne trouve rien ici-bas qui puisse le contenter !
C’est ce que je ne cesserai de demander au Seigneur par mes vœux les plus ardents ; et je le dois au vif intérêt que je prends à tout ce qui vous regarde, au zèle dont je suis animé pour votre salut, et aux sentiments respectueux avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc.
L’amitié dont vous m’honorez, monsieur, et l’extrême sensibilité qu’elle m’a inspirée, exigent que je vous ouvre mon cœur. J’aimerais certainement mieux avoir l’honneur de vous recevoir dans Ferney que de vendre ce petit coin de terre qui m’a coûté près de cinq cent mille livres, et qui est au nombre des ingrats que j’ai faits. Je n’ai voulu le vendre que pour procurer tout d’un coup à Mme Denis une somme assez considérable pour quelle pût vivre et être logée à Paris aussi commodément qu’elle l’était dans cette campagne. J’ai soixante-quatorze ans ; je suis très-faible, je n’attends plus que la mort ; et quoique je fasse des gambades sur le bord de mon tombeau, je n’en suis pas moins près d’y être couché tout de mon long. Il me serait égal de passer le reste de mes jours dans une petite terre voisine dont je jouis : elle est moins agréable que Ferney ; mais les agréments ne sont plus faits pour moi ; je les compte pour rien.
J’ai essuyé des chagrins violents ; je les compte aussi pour