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ANNÉE 1769.

Je crois que c’est un des meilleurs artistes que monseigneur ait dans ses États. Savez-vous bien que je vous écris à mon dixième accès de fièvre ? Je suis tout étonné d’être en vie ; mais, tant que j’y serai, soyez sûr que vous aurez en moi un bien véritable ami.

Nous avons ici un printemps qui ressemble au plus cruel hiver. Je crois que le climat de Florence vaut mieux que celui des Alpes et du Rhin. Les archiducs et les cadets de la maison de Bourbon règnent sur des climats chauds, ils sont bien heureux. Je n’ai jamais eu le courage d’exécuter ce que j’avais toujours projeté, de me retirer dans un coin de l’Italie ; je n’ai jamais vécu que dans des climats qui n’étaient pas faits pour moi. Je vous félicite d’avoir une santé qui vous fait prendre les bords du Rhin pour ceux de l’Arno.

Adieu, mon cher ami ; je vous embrasse bien tendrement.

7518. — À M. LE COMTE DE LA TOURAILLE.
À Ferney, 29 mars[1].

Je ne sais pas, monsieur, pourquoi vous dites à M. le duc de Choiseul qu’il marche dans la carrière des Colbert[2] ; je ne le soupçonne point du tout être homme de finances ; je crois qu’il ne marche que dans la carrière des Choiseuls ; il est plus fait pour jeter son argent par la fenêtre que pour en lever sur les peuples ; il aura des années brillantes et bien disciplinées, les payera qui pourra. Mars n’aurait pas trouvé bon qu’on l’appelât Plutus.

Cependant vos vers sont jolis. Je vous en remercie de tout mon cœur, et je vois avec grand plaisir que vous êtes partisan du bon goût en aimant Lulli et Rameau. Je suis un peu sourd, je ne puis guère m’intéresser à la musique. Je suis aussi fort en

    1770. Cette médaille est une des meilleures que l’on ait faites de Voltaire. (Note de Colini.) — Voyez une note sur la lettre 7693.

  1. Cette lettre a été imprimée sous la date du 29 janvier 1768 dans le Journal de Lyon, 1784, page 236 ; et dans le tome II du Supplément au recueil des lettres de M. de Voltaire, publié par Auger, en 1808. Mais dans le Nouveau Recueil de gaieté et de philosophie, publié par La Touraille en 1785, deux volumes in-12, on trouve à la page 137 du tome Ier une Épître à M. le duc de Choiseul, datée du 1er septembre 1768, et commençant ainsi :

    Vous qui marchez dans la carrière
    Des Périclès et des Sulli, etc.

    La lettre où Voltaire rapelle cette épître ne peut donc être de janvier 1768. (B.)

  2. Ce n’est pas de Colbert, mais de Périclès et Sully que parle La Touraille ; voyez la note précédente.