Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
331
ANNÉE 1769.
7552. — À M. LE CARDINAL DE BERNIS.
8 mai.

Puisque vous êtes encore, monseigneur, dans votre caisse de planches[1], en attendant le Saint-Esprit, il est bien juste de tâcher d’amuser Votre Éminence.

Vous avez lu sans doute actuellement les Quatre Saisons de M. de Saint-Lambert. Cet ouvrage est d’autant plus précieux qu’on le compare à un poëme qui a le même titre[2], et qui est rempli d’images riantes, tracées du pinceau le plus léger et le plus facile. Je les ai lus tous deux avec un plaisir égal. Ce sont deux jolis pendants pour le cabinet d’un agriculteur tel que j’ai l’honneur de l’être. Je ne sais de qui sont ces Quatre Saisons à côté desquelles nous osons placer le poëme de M. de Saint-Lambert. Le titre porte par M. le C. de B… ; c’est apparemment M. le cardinal de Bembo. On dit que ce cardinal était l’homme du monde le plus aimable, qu’il aima la littérature toute sa vie, qu’elle augmenta ses plaisirs ainsi que sa considération, et qu’elle adoucit ses chagrins, s’il en eut. On prétend qu’il n’y a actuellement dans le sacré-collège qu’un seul homme qui ressemble à ce Bembo, et moi je tiens qu’il vaut beaucoup mieux.

Il y a un mois que quelques étrangers étant venus voir ma cellule, nous nous mîmes à jouer le pape aux trois dés : je jouai pour le cardinal Stopani, et j’amenai rafle ; mais le Saint-Esprit n’était pas dans mon cornet : ce qui est sûr, c’est que l’un de ceux pour qui nous avons joué sera pape. Si c’est vous, je me recommande à Votre Sainteté. Conservez, sous quelque titre que ce puisse être, vos bontés pour le vieux laboureur V.

Fortunatus et ille deos qui novit agrestes !

(Virg. Georg., lib. II, v. 193.)
7553. — À M. L’ABBÉ DE VOISENON.
12 mai.

Mon cher confrère, le grand vicaire de Boulogne, et évêque de la bonne compagnie, prendra, s’il lui plaît, en gré qu’un vieux

  1. Le conclave, qui se tenait alors pour l’élection de Clément XIV.
  2. Le poëme de Bernis est intitulé les Quatre Saisons ; celui de Saint-Lambert a pour titre les Saisons.