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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/388

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CORRESPONDANCE.

libraires de Paris. Vous serez utile, vous aurez fait un excellent ouvrage :


Sic vos non vobis mellificatis, apes !

(Virg.)

Le commerce des pensées est devenu prodigieux ; il n’y a point de bonnes maisons dans Paris et dans les pays étrangers, point de château qui n’ait sa bibliothèque. Il n’y en aura point qui puisse se passer de votre ouvrage ; tout s’y trouve, puisque tout est objet de commerce.

Votre ami[1] et votre confrère en Sorbonne a donc quitté la théologie pour l’histoire, comme vous pour l’économie politique.

Vous savez sans doute qu’il fait actuellement une belle action. Je lui ai envoyé Sirven ; il a la bonté de se charger de faire rendre justice à cet infortuné. La philosophie a percé dans Toulouse, et par conséquent l’humanité. Sirven obtiendra sûrement justice, mais il a pris la route la plus longue ; il ne l’obtiendra que très-tard, et il sera encore bien heureux : son bien reste confisqué en attendant. N’est-ce pas un objet de commerce que la confiscation ? car il se trouve qu’un fermier du domaine gagne tout d’un coup la subsistance d’une pauvre famille ; et, par un virement de parties, le bien d’un innocent passe dans la poche d’un commis.

On me fait à moi une autre injustice ; on m’impute une Histoire du Parlement en deux petits volumes. Il y a dans cette Histoire des anecdotes de greffe dont, Dieu merci, je n’ai jamais entendu parler. Il y a aussi des anecdotes de cour que je connais encore moins, et dont je ne me soucie guère. L’ouvrage d’ailleurs m’a paru assez superficiel, mais libre et impartial. L’auteur, quel qu’il soit, a très-grand tort de le faire courir sous mon nom. Je n’aime point en général qu’on morcelle ainsi l’histoire. Les objets intéressants qui regardent les différents corps de l’État doivent se trouver dans l’Histoire de France, qui, par parenthèse, a été jusqu’ici assez mal faite.

Continuez, monsieur, votre ouvrage aussi utile qu’immense, et songez quelquefois, en y travaillant, que vous avez au pied des Alpes un partisan zélé et un ami.

  1. L’abbé Audra.