Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
année 1768.

pas été moins scandalisés que les catholiques. J’en ai gémi plus que tout autre : et si vous étiez moins éclairé et moins instruit, je croirais devoir vous apprendre, en qualité d’évêque et de pasteur, qu’en supposant le scandale donné au public, soit par les écrits qu’il vous attribue, soit par la cessation de presque tout, acte de religion depuis plusieurs années, une communion faite suivant les vrais principes de la morale chrétienne exigeait préalablement de votre part des réparations éclatantes, et capables d’effacer les impressions prises sur votre compte ; et que jusque-là aucun ministre, instruit de son devoir, n’a pu et ne pourra vous absoudre, ni vous permettre de vous présenter à la table sainte.

Sans être aussi instruit que vous le supposez gratuitement, je le suis cependant assez pour ne pas ignorer que la conduite d’un seigneur de paroisse, qui se fait accompagner par des gardes armés jusque dans l’église, et qui s’y ingère à donner des avis au peuple pendant la célébration de la sainte messe, bien loin d’être autorisée par les usages et les lois de France, est au contraire proscrite par les sages ordonnances des rois très-chrétiens, qui ont toujours distingué, pour le temps et le lieu, ce qui est du ministère des pasteurs de l’exercice de la police extérieure que vous voulez attribuer aux seigneurs de paroisse.

Vous m’annoncez que vous vous anéantissez avec moi devant Dieu, le créateur des temps et des êtres ; je souhaite que nous le fassions, vous et moi, avec assez de foi, de confiance, d’humilité, et de repentir de nos fautes, pour mériter qu’il jette sur nous les regards propices de sa miséricorde : et j’en reviens encore à vous inviter, à vous prier, à vous conjurer, de ne pas perdre de vue cette éternité à laquelle vous touchez de si près, et dans laquelle iront bientôt se perdre, non-seulement les petits incidents de la vie, mais encore le faste des grandeurs, l’opulence des richesses, l’orgueil des beaux esprits, les vains raisonnements de la prétendue sagesse humaine, et tout ce qui appartient à la figure trompeuse de ce monde.

Si mes avis ne sont pas tout à fait de votre goût, je me flatte que vous n’en serez pas moins convaincu qu’ils ne sont dictés que par l’amour de mon devoir, et par l’empressement que j’ai de concourir à votre véritable et solide bonheur. Bien des personnes, en se dirigeant par des vues humaines, vous tiendront un langage bien différent ; mais, par une suite du principe invariable que je me suis fait de n’agir qu’en vue de Dieu et dans l’ordre de sa volonté, comme je ne cherche point les adulations, je ne crains point non plus les satires ; et je suis disposé à essuyer tous les traits de la malignité des hommes plutôt que de manquer à ce que je croirai être, suivant Dieu, du devoir de mon ministère. Au reste, quoique je me serve des formule introduites chez les hommes, ce n’est pas avec moins de sincérité que je serai toute ma vie, avec le désir le plus ardent de votre salut, et avec respect, etc.