Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
CORRESPONDANCE.
7248. — À M. DUPONT.
À Ferney, 26 avril.

Plût à Dieu, mon cher ami, que je fusse en état d’aller vers le pôle arctique dans ma soixante-quinzième année ! je ne ferais pas assurément le voyage, mais je ne serais pas fâché d’être en état de le faire. Vous verrez peut-être bientôt un petit poëme intitulé la Guerre de Genève, dans laquelle il est dit que la renommée porte trois cornets à bouquin[1] : l’un pour le vrai, que personne n’entend ; l’autre pour l’incertain ; et le troisième pour le faux, que tout le monde répète ..........

J’apprends que M. de Klinglin s’est retiré ; je vous prie de lui présenter mes respects ; je lui souhaite, ainsi qu’à Mme de Klinglin, la vie la plus longue et la plus heureuse.

J’ai toujours avec moi votre ancien camarade Adam. Mme Denis est allée à Paris pour des affaires qui l’y retiendront probablement un an ou deux. L’agriculture et les lettres partagent ma vie : j’ai auprès de moi un avocat philosophe[2] ; ils le sont presque tous aujourd’hui. Il s’est fait une furieuse révolution dans les esprits depuis une quinzaine d’années ; les prêtres obéiront à la fin aux lois comme les chétifs seigneurs de paroisse ; je me flatte que mons de Porentru n’est pas despotique dans la haute Alsace.

Adieu, mon cher ami, je vous embrasse bien tendrement. V.

7249. — À M. D’ALEMBERT.
27 avril.

Mon cher ami, mon cher philosophe, je suis tenté de croire Que l’abbé de La Bletterie est en effet janséniste, tant il est orgueilleux. Son amour-propre, dévot ou non, a été extrêmement blessé d’un avis fort honnête qu’on lui avait donné dans un petit livre dont on disait, mal à propos, que j’étais l’auteur[3]. Voici une petite épigramme, ou soi-disant telle, qu’on m’envoie de Lyon sur son compte :

  1. Chant IV ; voyez tome IX, page 540.
  2. Ch.-G.-Fr. Christin ; voyez tome XIX, page 444.
  3. L’édition de 1767 du Dictionnaire philosophique contenait un article Julien, dans lequel il est mention de La Bletterie. Cet article est celui qui est en tête du Discours de l’empereur Julien, tome XXVIII, pages 2, 5.