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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/390

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CORRESPONDANCE.

comprendre qu’on me doit un quartier commençant au 1er avril. Il faudra bien qu’il remplisse tous ses engagements ; il ne voudra pas rougir devant vous.

N. B. Je vous envoie, mon cher ami, la copie de la lettre que je vous écris ; il faut tirer toute cette affaire au clair.

Je vous embrasse, mon cher ami, de tout mon cœur.

7594. — DE CATHERINE II[1],.
impératrice de russie.
3-14 juillet 1769, à Pétershourg.

Monsieur, j’ai reçu le 20 juin votre lettre du 27 mai. Je suis charmée d’apprendre que le printemps rétablit votre santé, quoique la politesse vous fait dire que mes lettres y contribuent. Cependant je n’ose leur attribuer cette vertu. Soyez-en bien aise, car d’ailleurs vous en pourriez recevoir si souvent qu’elles vous ennuieraient à la fin.

Tous vos compatriotes, monsieur, ne pensent pas comme vous sur mon compte : j’en connais qui aiment à se persuader qu’il est impossible que je puisse faire quelque chose de bien, qui donnent la torture a leur esprit pour en convaincre les autres : et malheur à leurs satellites, s’ils osaient penser autrement qu’ils ne sont inspirés ! Je suis assez bonne pour croire que c’est un avantage qu’ils me donnent sur eux, parce que celui qui ne sait les choses que par la bouche de ses propres flatteurs les sait mal, voit dans un faux jour, et agit en conséquence. Comme, au reste, ma gloire ne dépend pas d’eux, mais bien de mes principes, de mes actions, je me console de n’avoir pas leur approbation. En bonne chrétienne, je leur pardonne, et j’ai pitié de ceux qui m’envient.

Vous me dites, monsieur, que vous pensez comme moi sur différentes choses que j’ai faites, et que vous vous y intéressez. Eh bien ! monsieur, sachez que ma belle colonie de Saratow monte à vingt-sept mille âmes, et qu’en dépit du gazetier de Cologne elle n’a rien à craindre des incursions des Tartares, Turcs, etc. ; que chaque canton a des églises de son rite, qu’on y cultive les champs en paix, et qu’ils ne payeront aucune charge de trente ans.

Que nos charges sont d’ailleurs si modiques qu’il n’y a pas de pavsan qui ne mange en Russie une poule quand il lui plaît, et que, depuis quelque temps, ils préfèrent les dindons aux poules : que la sortie du blé, permise avec certaines restrictions qui précautionnent contre les abus sans gêner le commerce, ayant fait hausser le prix du blé, accommode si bien le cultivateur que la culture augmente d’année en année, que la population est pareillement augmentée d’un dixième dans beaucoup de provinces depuis

  1. Collection de Documents, Mémoires et Correspondances relatifs à l’histoire de l’empire de Russie, etc., tome X, page 344.