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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/454

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CORRESPONDANCE.

que de s’amuser ? Mais une considération bien plus forte m’occupe ; je voudrais vous voir, causer avec vous, et oublier les sottises de ce monde dans le sein de la philosophie et de l’amitié. Les fidèles faisaient autrefois de plus longs voyages pour se consoler de la persécution.

Au reste, le petit troupeau de sages augmente tous les jours, mais le grand troupeau de fanatiques frappe toujours de la corne, et mugit contre les bergers du petit troupeau.

Je vous embrasse en frère.

7360. — À M. BORDES.
6 septembre.

Voici le fait, mon cher ami : M. de Sartines a fait imprimer les Guèbres par Lacombe, mais il ne veut pas être compromis. Les ministres souhaitent qu’on la joue, mais ils veulent qu’on la représente d’abord en province. On en donne, cette semaine, une représentation à Orangis[1], à deux lieues de Paris. Vous pouvez compter sur la vérité de ce que je vous mande.

Tout bien considéré, M. de Flesselles[2] pourrait écrire à M. de Sartines. Il est certain qu’il répondra favorablement. Je vous réponds de même de M. le duc de Choiseul, de M. le duc de Praslin, de monsieur le chancelier. À l’égard du roi, il ne se mêle en aucune manière de ces bagatelles.

J’ai fait réflexion qu’il faut bien se donner de garde de fournir à un évêque, quel qu’il soit, le prétexte de se flatter qu’on doive le consulter sur les divertissements publics ou particuliers. On joue tous les jours le Tartuffe sans faire aux prêtres le moindre compliment ; ils ne doivent se mêler en rien de ce qui ne regarde pas l’Église ; c’est la maxime du conseil du roi et de toutes les juridictions du royaume. Le temps est passé où les hypocrites gouvernaient les sots. Il faut détruire aujourd’hui un pouvoir aussi odieux que ridicule. On ne peut mieux parvenir à ce but qu’en jouant les Guèbres, qui rendent la persécution exécrable, sans que ceux qui veulent être persécuteurs puissent se plaindre.

On fit très-mal, à mon avis, de priver la ville de Lyon de l’usage où elle était de donner une petite fête le premier dimanche de carême, et de craindre les menaces que faisait un certain

  1. Voyez la note, tome VI, page 485.
  2. Intendant de Lyon.