gagne un royaume d’une main, et il bâtit une ville de l’autre. Il pourrait dire comme Lulli à un page, pendant qu’il tonnait : « Mon ami, fais le signe de la croix, car tu vois bien que j’ai les deux mains occupées. »
Conservez-moi vos bontés, monsieur ; elles consolent ma solitude et mes souffrances ; comptez à jamais sur mes tendres et respectueux sentiments.
Consolez-vous, mon cher Sirven, ne perdez point courage. Je vous enverrai vos filles s’il le faut, et je viendrai moi-même si ma santé me le permet. Avez-vous besoin d’argent ? Je vous en aurai. Je suis sûr de votre innocence comme de mon existence. J’espère tout de la raison et de l’équité de votre juge. Je sais que monsieur le procureur général est très-bien intentionné ; il a trop de lumières et trop de vertu pour ne pas vous faire rendre justice. Plus vous avez été malheureux, plus vous aurez de mérite devant Dieu et devant les hommes.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
M. de Voltaire est venu quatre fois.
Monsieur, je vous ai conté l’autre jour la prise de Chotin, et comment l’armée du victorieux et spirituel Moustapha a été anéantie. Celle-ci ne sera point remplie de faits meurtriers, que vous n’aimez pas plus que moi. Je vous dirai seulement, avant que de répondre à vos deux lettres, monsieur, que les nouvelles d’Azow et de Taganrog ne parlent que de bals, de dîners et de soupers donnés par les généraux et commandants. Depuis que ces forteresses sont occupées on n’y entend pas parler d’ennemis. Cependant