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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/469

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année 1769.

d’avoir montré la vérité, et laissez-y tourner le dos à ceux qui ne la veulent point voir. Vous avez tout dit, tenez-vous-en à ne pas vous dédire, et ne mettez point de nouveaux obstacles à la chose du monde que je désire le plus, et sur laquelle j’ai eu une conversation avec Mme Denis, dont elle vous rendra compte.

Votre correspondance avec la grand’maman Gargantua me ravit ; elle vous répond à ce qu’il y a de solide, c’est ce qui doit lui appartenir : pour moi, je ne suis que pour le frivole ; je ne vois point dans l’histoire des Soukirs l’établissement des manufactures, je n’y vois qu’un très-beau sujet de conte de fées, qui pourrait surpasser Cendrillon. Voilà, monsieur, les progrès de mon esprit et de ma raison, qui, au bout de soixante et mille ans que j’ai vécu, me mettent à côté des enfants de quatre ans. Ah ! je ne suis qu’une petite fille ; mais j’ai une charmante grand’maman ; il faut l’adorer, monsieur, et moi, m’amuser et m’aimer toujours.

7673. — À M. LE COMTE DE SCHOMBERG.
22 septembre.

Les vieux malades, monsieur, n’écrivent pas quand ils veulent ; mais j’en connais un qui a le cœur bien sensible pour toutes vos bontés.

Je profite de l’avis que vous m’avez donné de vous adresser quelques paquets sous l’enveloppe du petit-fils d’Henri IV. Il m’a paru que les Guèbres n’étaient point indignes de paraître aux yeux d’un prince dont le grand-père a fait l’édit de Nantes. Henri IV parla au parlement à peu près comme l’empereur s’exprime dans cette tragédie. Je ne sais si on ne pourrait pas s’en amuser à Villers-Coterets. Il y a une bonne troupe de citoyens qui jouent cette pièce auprès de Paris, à Orangis. J’imagine que cette petite société se rendrait volontiers aux ordres de monseigneur le duc d’Orléans. M. et Mme de La Harpe sont les principaux acteurs ; je puis vous assurer qu’ils vous feraient grand plaisir.

Vous aurez bientôt M. le marquis de Jaucourt. Je souhaite que les eaux savoyardes aient fait du bien à ses oreilles. M. de Bourcet est venu tracer la nouvelle ville de Versoy. Il dit que la Corse est un bon pays qui peut nourrir trois cent mille hommes, s’il est bien cultivé ; en ce cas, le pays que j’habite est bien loin de ressembler à la Corse.

Tous ceux qui reviennent de Corse prétendent que la réputation de Paoli était un peu usurpée. S’il s’est mêlé d’être législateur, il ne s’est pas mêlé d’être héros. Quoi qu’il en soit, cette conquête fait beaucoup d’honneur à M. le duc de Choiseul ; il