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ANNÉE 1768.

faire rire dans un ouvrage aussi sérieux que le péché originel des Grecs.

Comme j’en étais là, je reçois votre charmante lettre du 29 d’avril. Elle a beau me plaire, elle ne me désarme point. Voici ma proposition : c’est que vous vous remplissiez la tête de toute autre chose que d’Eudoxie, pendant trois mois ; que vous y reveniez, ensuite avec des yeux frais, alors vous pourrez en faire un ouvrage supérieur. Tenez-la prête pour l’impression, dès que quelqu’un des Quarante passera le pas, et vous serez mon cher confrère ou mon successeur.

Mandez-moi, je vous en prie, comment il faut s’y prendre pour vous faire tenir un petit paquet qui ne vous coûte rien. Bonsoir, mon très-cher et très-aimable ami.

7257. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
6 mai.

Mon divin ange, le mémoire de votre infant[1] m’a paru modéré et ferme. Voilà donc la seconde guerre de Parme et du Saint-Siège ! Quand les Barberins firent la première, il firent jurer aux soldats de rapporter tous leurs fusils quand la paix serait faite, comptant bien qu’il n’y aurait aucun homme de tué ni de fusil perdu. Les choses ne se seraient pas passées ainsi du temps de Grégoire VII ou d’Innocent IV ; ils auraient dit comme Jodelet à l’infant :

Petit cadet d’infant, vous aurez cent nasardes :
Car, me devant respect, et l’ayant mal gardé,
Le moindre châtiment c’est d’être nasardé.

Il faut espérer que Rezzonico, qui a un nez à la vénitienne, et qui n’a pas le nez fin, recevra seul les croquignoles.

J’ai eu pendant trois jours M. le marquis de Mora, que vous connaissez. Je vous prie de faire une brigue pour qu’on l’associe quelque jour au ministère d’Espagne. Je vous réponds qu’il aidera puissamment le comte d’Aranda, son beau-père, à faire un nouveau siècle. Les Espagnols avancent quand nous reculons. Ils ont fait plus de progrès en deux ans que nous n’en avons fait en vingt. Ils apprennent le français pour lire les ouvrages nouveaux qu’on proscrit en France. On a rogné jusqu’au vif les griffes

  1. Ferdinand, duc de Parme.