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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/514

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CORRESPONDANCE.

mais ce n’est point vanité, c’est justice. Je vous supplie d’être assez bon pour me dire si les Souvenirs deMme de Caylus vous ont amusé.

Recevez, avec votre bonté ordinaire, mon très-tendre respect.

7722. — À M. SERVAN.
6 décembre.

Monsieur, la lettre dont vous m’honorez me ranime. Je suis bien malade, et presque mourant ; mais portez-vous bien et vivez. Soyez très-sûr que, malgré votre modestie, le monde a besoin de vous. M. l’abbé de Ravel m’a dit que votre santé était très-faible ; je vous conjure d’en avoir grand soin, et surtout de votre poitrine.

Il est très-vrai que j’ai souvent sur ma cheminée et sous mes yeux le peu d’écrits publics qu’on a de vous ; mais je vous ai donné mon cœur ; je m’intéresse à votre vie encore plus, s’il est possible, qu’à votre gloire ; qu’il y ait trois ou quatre hommes comme vous en France, et la France en vaudra mieux.

Vous ai-je jamais dit combien de larmes interrompirent la lecture que je faisais à douze ou quinze personnes de ce discours[1] dans lequel vous vengiez les droits de l’humanité contre un lâche qui s’était fait catholique, apostolique, romain, pour trahir sa femme et la réduire à l’aumône ? On m’a dit que tout l’auditoire avait éclaté en sanglots comme nous. M. d’Aguesseau, dont on a imprimé dix volumes, n’a jamais fait répandre une larme. Je ne veux pas vous en dire davantage ; mais je ne suis point ébloui des noms.

Je me flatte que vous n’avez pas oublié votre beau projet sur la jurisprudence. Peut-être l’article des Mœurs, dont vous voulez bien me parler, entre-t-il dans cet ouvrage. Permettez-moi de vous confier qu’une très-petite société de gens, qui ont du moins le mérite de penser comme vous, travaille à un supplément de l’Encyclopédie[2], dont on va bientôt imprimer le premier volume. Si vous étiez assez bon pour envoyer ce que vous avez daigné écrire sur les Spectacles qui peuvent contribuer aux bonnes mœurs, ce serait un morceau bien précieux, dont nous ferions usage à

  1. Discours dans la cause d’une femme protestante, 1767, in-12.
  2. Il s’agit des Questions sur l’Encyclopédie, dont le premier volume parut en 1770, et qui ont été refondues dans le Dictionnaire philosophique.