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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/524

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CORRESPONDANCE.

général (et je vais peut-être dire un blasphème) que c’est plutôt l’art de la versification que celui du théâtre qu’il faut apprendre chez Racine. J’en connais à qui je donnerais un plus grand éloge, mais ils n’ont pas l’honneur d’être morts.

On dit que vous êtes malade, mon cher ami, et on ajoute que vous avez du chagrin pour une cause[1] qui me paraît bien juste. Je ne saurais croire que cette cause soit réelle ; si par malheur elle l’était, elle me rappellerait la belle tirade de la péroraison Pro Milone, qui commence par ces mots : Hiccine vir patriæ natus, etc.

Le contrôleur général est, dit-on, bien embarrassé pour trouver de l’argent : Dieu le père n’en trouverait pas. Hippocrate, Esculape, et toute l’école de médecine, ne rétabliraient pas un malade qui se donnerait tous les jours, à dîner et à souper, une indigestion. Ce sera le cas de la France, tant qu’on n’y connaîtra pas l’économie.

Adieu, mon cher maître ; je vous embrasse de tout mon cœur. Mes respects à Mme Denis.

7733. — À M. MOULTOU[2].
13 décembre 1769.

Je vais répondre, mon cher philosophe, à tous les points de votre lettre.

Il n’a point encore été question au conseil d’un conventicule huguenot à Versoy. On n’en parlera qu’après l’arrangement ou dérangement des finances qui va se faire, et après l’extinction de certaines tracasseries qui sont trop longues.

Le libraire qui s’est confié à des théologiens est un grand sot. Ce polisson croit donc être au temps de Calvin. Un jeune homme plein d’esprit, qui a vu son manuscrit, prétend que rien n’est si plat et si obscur. Il dit que rien n’est plus capable de déshonorer la mémoire de votre ancien ami. Ne pourriez-vous pas redemander en justice les manuscrits qui vous appartiennent, en qualité d’exécuteur testamentaire[3] ?

Je vous fais mon compliment sur vos deux galériens. Si c’est par Mme la duchesse d’Enville que vous êtes parvenu à cette bonne œuvre, cela prouve qu’elle a du crédit auprès de M. de Saint-Florentin ; si c’est par vous-même, vous ferez casser la révocation de l’édit de Nantes[4].

  1. Le désir de faire un voyage à Paris.
  2. Éditeur A. Coquerel.
  3. J’ai expliqué à M. de Voltaire qu’on m’avait rendu mes manuscrits et qu’on les imprimait en Hollande. (Note de Moultou).

    — Il s’agit de Rousseau, et probablement de la première partie des Confessions.

  4. Il était très-difficile en effet d’obtenir la grâce des galériens protestants. Les