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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/554

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CORRESPONDANCE.

de me protéger un peu auprès de lui, et de faire valoir les sentiments d’estime et de reconnaissance que je lui dois.

Vous m’annoncez, madame, que M. Robertson veut bien m’envoyer sa belle Histoire de Charles-Quint, qui a un très-grand succès dans toute l’Europe, et que vous aurez la bonté de me la faire parvenir. Je l’attends avec la plus grande impatience ; je vous supplie d’ordonner qu’on la fasse partir par la guimbarde de Lyon.

C’était autrefois un bien vilain mot que celui de guimbarde ; mais vous savez que les mots et les idées changent souvent chez les Français, et vous vous en apercevez tous les jours.

Vous avez la bonté, madame, de m’annoncer une nouvelle cent fois plus agréable pour moi que tous les ouvrages de Robertson. Vous me dites que votre grand-papa, le mari de votre grand’maman, se porte mieux que jamais ; j’étais inquiet de sa santé, vous savez que je l’aime comme monsieur l’archevêque de Cambrai aimait Dieu, pour lui-même. Votre grand’maman est adorable. Je m’imagine l’entendre parler quand elle écrit : elle me mande qu’elle est fort prudente ; de là je juge qu’elle n’a montré qu’à vous les petits versiculets de M. Guillemet[1].

si je retrouve un peu de santé dans le triste état où je suis, je vais me remettre à travailler pour vous. Je ne vous écrirai point de lettres inutiles, mais je tâcherai de faire des choses utiles qui puissent vous amuser. C’est à vous que je veux plaire ; vous êtes mon public. Je voudrais pouvoir vous désennuyer quelques quarts d’heure, quand vous ne dormez pas, quand vous ne courez pas, quand vous n’êtes pas livrée au monde. Vous faites très-bien de chercher la dissipation, elle vous est nécessaire comme à moi la retraite.

Adieu, madame ; jouissez de la vie autant qu’il est possible, et soyez bien sûre que je suis à vous, que je vous appartiens jusqu’au dernier moment de la mienne[2].

7767. — À M. CHRISTIN[3].
30 janvier.

Le solitaire mande au petit philosophe, son ami, que l’édit pour la fondation de Versoy va paraître ; alors le moment

  1. Lettre 7610.
  2. Une lettre de Voltaire (dictée à Wagnière) à M. Éthis, commissaire provincial des guerres à Besançon, du 30 janvier 1770, est signalée dans un catalogue d’autographes.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.