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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/580

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CORRESPONDANCE.

et vous payer ce que vous voudriez de votre terre. Mais les choses sont bien changées depuis la liberté de l’exportation des grains. Soyez très-persuadé qu’actuellement vous ne retireriez pas de Tournay mille francs si vous la faisiez régir. Voilà l’état des choses. Croyez-moi sur ma parole. Je n’ai aucun intérêt de vous déguiser la vérité ; et quand je dis mille francs, c’est beaucoup trop.

Pour des fermiers, vous savez qu’on n’en trouve point. Quand je vous ai proposé de faire affermer vous-même la terre par Girod, c’était uniquement pour vous convaincre de la vérité de tout ce que je vous dis, et pour vous faire voir que je suis très-heureux d’en retirer environ quinze à seize cents livres, c’est-à-dire douze cent francs en argent et le reste en fournitures qui valent tantôt au-dessus de cent écus et tantôt au-dessous.

Tout cela, monsieur, étant bien nettement expliqué et dans la vérité la plus exacte et la plus incontestable, il ne me reste qu’à vous demander l’honneur de votre amitié. J’ai celui d’être, avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.
7795. — À M. PANCKOUCKE.
21 février.

Consolez-vous, monsieur ; il est impossible que les captifs qui sont a Alger[1] ne soient pas délivrés par les mathurins quand le temps sera favorable : puisqu’on a rendu les premiers, on rendra les seconds ; les cadets ne peuvent être traités plus durement que les aînés.

J’ai dû à M. d’Alembert et à M. Diderot la politesse que j’ai eue pour eux. Il n’était pas juste que mon nom parût avant le leur, et il faut surtout qu’il n’y paraisse point. Ceux qui travaillent à deux ou trois volumes de Questions sur l’Encyclopédie croient vous rendre un très-grand service. Ils donnent les plus grands éloges a la première édition, ils annoncent la seconde : ils espèrent décréditer un peu les contrefaçons, et ils s’amusent.

Je n’ai point vu mon ami Cramer. Tout est en combustion dans Genève, tout est sous les armes ; on a assassiné sept ou huit personnes juridiquement dans les rues, dans les maisons ; un vieillard de quatre-vingts ans a été tué en robe de chambre ; une femme grosse, bourrée à coups de crosse de fusil, est mou-

  1. Les volumes de l’Encyclopédie détenus a la Bastille. (K.)