Vous conservez donc des bontés, monseigneur, pour ce vieux solitaire ? Je les mets hardiment à l’épreuve. Je vous supplie, si vous pouvez disposer de quelques moments, de vouloir bien me dire ce que vous savez de la fortune qu’a laissée votre malheureux lieutenant général Lally, ou plutôt de la fortune que l’arrêt du parlement a enlevée à sa famille. J’ai les plus fortes raisons de m’en informer. Je sais seulement qu’outre les frais du procès l’arrêt prend sur la confiscation cent mille écus pour les pauvres de Pondichéry ; mais on m’assure qu’on ne put trouver cette somme. On me dit, d’un autre côté, qu’on trouva quinze cent mille francs chez son notaire, et deux millions chez un banquier, ce dont je doute beaucoup. Vous pourriez aisément ordonner à un de vos intendants de prendre connaissance de ce fait.
Je vous demande bien pardon de la liberté que je prends ; mais vous savez combien j’aime la vérité, et vous pardonnez aux grandes passions. Je ne vous dirai rien de la sévérité de son arrêt. Vous avez sans doute lu tous les mémoires, et vous savez mieux que moi ce qu’il faut en penser.
Permettez-moi de vous parler d’une chose qui me regarde de plus près. Ma nièce m’a appris l’obligation que je vous ai d’avoir bien voulu parler de moi à monsieur l’archevêque de Paris. Autrefois il me faisait l’honneur de m’écrire ; il n’a point répondu à une lettre que je lui ai adressée il y a trois semaines[1]. Dans cet intervalle, le roi m’a fait écrire[2], par M. de Saint-Florentin, qu’il était très-mécontent que j’eusse monté en chaire dans ma paroisse, et que j’eusse prêché le jour de Pâques. Qui fut étonné ? ce fut le révérend père Voltaire. J’étais malade ; j’envoyai la lettre à mon curé, qui fut aussi étonné que moi de cette ridicule calomnie, qui avait été aux oreilles du roi. Il donna sur-le-champ un certificat qui atteste qu’en rendant le
- ↑ Cette lettre manque. C’est même la seule trace d’une correspondance avec Beaumont, archevêque de Paris, dont il avait fait, en 1748, un éloge qu’il supprima 1756 ; voyez tome XXI, page 12. Voltaire avait écrit en mars 1768 une Lettre à l’archevêque de Paris ; mais il l’avait faite au nom de l’archevêque de Cantorbery (tome XXVI, page 577). Il n’est pas à croire que ce soit de ce pamphlet qu’il veut parler ici.
- ↑ La lettre 7288.