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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/142

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En vivant de cette manière :
Du sage en tout pays honni,
Payé pour tromper le vulgaire,
Et tremblant qu’un jour en son nid
Il n’entre un rayon de lumière
Dardé du foyer de Ferney.
À son éclat, à ses attraits,
Disparaîtrait le sortilége ;
Lors adieu le sacré collége,
La sainte Église et ses secrets.


Lorette serait à côté de ma vigne que certainement je n’y toucherais pas. Ses trésors pourraient séduire des Mandrin, des Conflans, des Turpin, des Richelieu, et leurs pareils. Ce n’est pas que je respecte les dons que l’abrutissement a consacrés, mais il faut épargner ce que le public vénère ; il ne faut point donner de scandale et, supposé qu’on se croie plus sage que les autres, il faut, par complaisance, par commisération pour leurs faiblesses, ne point choquer leurs préjugés. Il serait à souhaiter que les prétendus philosophes de nos jours pensassent de même.

Un ouvrage de leur boutique m’est tombé entre les mains : il m’a paru si téméraire que je n’ai pu m’empêcher de faire quelques remarques[1] sur le Système de la Nature, que l’auteur arrange à sa façon. Je vous communique ces remarques ; et si je me suis rencontré avec votre façon de penser, je m’en applaudirai. J’y joins une élégie sur la mort d’une dame d’honneur de ma sœur Amélie[2], dont la perte lui fut très-sensible. Je sais que j’envoie ces balivernes au plus grand poëte du siècle, qui le dispute à tout ce que l’antiquité a produit de plus parfait ; mais vous vous souviendrez qu’il était d’usage, dans les temps reculés, que les poëtes portassent leurs tributs au temple d’Apollon. Il y avait même du temps d’Auguste une bibliothèque consacrée à ce dieu, où les Virgile, les Ovide, les Horace, lisaient publiquement leurs écrits. Dans ce siècle où Ferney s’élève sur les ruines de Delphes, il est bien juste que l’on y envoie ses offrandes : il ne manque au génie qui occupe ces lieux que l’immortalité.


Quel Vous en jouirez bien par vos divins écrits ;
Quel illustreIls sont faits pour plaire à tout âge,
Quel illustreIls savent éclairer le sage,
Quel Et répandre des fleurs sur les Jeux et les Ris.
Quel illustre destin, quel sort pour un poëme,
Quel D’aller toujours de pair avec l’éternité !
Quel illustreAh ! qu’à cette félicité
Quel illustreVotre corps ait sa part de même !


Ce sont des vœux auxquels tous les hommes de lettres doivent se joindre ; ils doivent vous considérer comme une colonne qui soutient par sa force un

  1. Voyez une note de la [[|lettre 8025]].
  2. Élégie à ma sœur Amélie, pour la consoler de la perte de Mlle Hertefeld. Cette pièce fait partie des Œuvres posthumes de Frédéric.