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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/16

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renvoyer. Pardonnez à un pauvre capucin, à qui M. l’abbé Terray ravit deux cent mille francs dans sa besace, de ménager quatre sous. Vous me dites que le ministère veut protéger l’agriculture : il ne devait donc pas dépouiller un laboureur de deux cent mille francs qui sont tout son patrimoine. Il faut mettre ces petites aventures, comme bien d’autres, au pied de son crucifix. Voici des Oremus de frère François, capucin indigne.

7810. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
5 mars.

Mon cher ange, je devrais m’adresser a saint Cucufin mon confrère, mais je vous donne la préférence. M. Bouvart vient souvent chez vous ; je vous prie de lui communiquer ma petite requête. Il conduit si bien la santé de Mme d’Argental que j’ai en lui une extrême confiance. Je sais bien qu’il ne l’a point mise au lait de chèvre ; mais comme je suis plus sec, plus vieux, plus attaqué que Mme d’Argental, je veux absolument tâter du lait de chèvre, et que M. Bouvart soit de mon avis. Ainsi je vous demande votre protection ; plaidez pour ma chèvre, je vous en prie.

Vous avez vu sans doute la belle pancarte du roi d’Espagne, signée d’Aranda[1], par laquelle on coupe les ongles jusqu’au vif au très-révérend grand inquisiteur, archevêque de Pharsale. Cet archevêque me paraît être l’aumônier de Pompée. Le voilà battu sans ressource.

Tout capucin que je suis, je ne laisse pas de bénir Dieu de cette petite mortification donnée à M. de Pharsale. Vous devez savoir si cet archevêque de Pharsale n’est pas confesseur du roi. Ayez la bonté, je vous prie, de me le mander : car je m’intéresse vivement à toutes les affaires ecclésiastiques. Je crois que vous n’ignorez pas ma nouvelle dignité. J’en ai la première obligation à Mme la duchesse de Choiseul. Si elle a la ceinture de Venus, j’ai le cordon de saint François.

On dit que si M. l’abbé Terray continue son petit train, nombre d’honnêtes gens seront obligés de quêter comme mes confrères.

Croiriez-vous qu’on a imprimé à Toulouse une certaine Histoire générale des Mœurs et de l’Esprit des nations, à l’usage des Col-

  1. Voyez tome XVII, page 344.