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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/208

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CORRESPONDANCE.
8024. — DE MADAME LA DUCHESSE DE BRUNSWICK.
Berlin, le 15 septembre.

Je ne possède point, monsieur, l’heureux talent de faire des vers ; faute de cet avantage, j’espère que vous voudrez recevoir mes remerciements en prose pour votre billet obligeant. Je regrette de ne pouvoir profiter de votre conversation. L’esprit, le savoir, l’enjouement, et la gaieté, sont des dons qui vous sont si naturels qu’ils ne peuvent que contribuer aux charmes de la société. Cependant, monsieur, si avec toutes ces richesses d’esprit il y avait encore un souhait à faire, ce serait que votre corps cacochyme, comme vous l’appelez, fût plus en état de se produire ; et que, jouissant de votre entretien, j’eusse en même temps la satisfaction de vous témoigner combien j’estime vos ouvrages, et avec quelle distinction je les admire.

Charlotte.
8025. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Potsdam, 16 septembre.

Je n’ai point été fâché que les sentiments que j’annonce au sujet de votre statue, dans une lettre écrite à M. d’Alembert, aient été divulgués[1]. Ce sont des vérités dont j’ai toujours été intimement convaincu, et que Maupertuis ni personne n’ont effacées de mon esprit. Il était très-juste que vous jouissiez vivant de la reconnaissance publique, et que je me trouvasse avoir quelque part à cette démonstration de vos contemporains, en ayant eu tant au plaisir que leur ont fait vos ouvrages.

Les bagatelles que j’écris ne sont pas de ce genre : elles sont un amusement pour moi. Je m’instruis moi-même en pensant à des matières de philosophie, sur lesquelles je griffonne quelquefois trop hardiment mes pensées. Cet ouvrage sur le Système de la Nature[2] est trop hardi pour les lecteurs actuels auxquels il pourrait tomber entre les mains. Je ne veux scandaliser personne je n’ai parlé qu’à moi-même en l’écrivant. Mais, dès qu’il s’agit de s’énoncer en public, ma maxime constante est de ménager la délicatesse des oreilles superstitieuses, de ne choquer personne, et d’attendre que le siècle soit assez éclairé pour qu’on puisse impunément penser tout haut.

Laissez donc, je vous prie, ces faibles ouvrages dans l’obscurité où l’auteur les a condamnés : donnez au public, en leur place, ce que vous avez écrit sur le même sujet, et qui sera préférable à mon bavardage.

Je n’entends plus parler des Grecs modernes. Si jamais les sciences

  1. Voyez lettre 7993.
  2. L’Examen critique du livre intitulé le Système de la Nature, par le roi de Prusse, se trouve dans ses Œuvres posthumes.