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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/243

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ANNÉE 1770.

puis plus en faire. Ma vieillesse et mes maladies m’ont tout enlevé, hors cet amour pour la tolérance dont vous me parlez ; ma passion n’est pas malheureuse. J’ai chez moi actuellement deux cents protestants de Genève, avec lesquels mes catholiques vivent comme des frères.

Il est vrai que la ville de Versoy, dans laquelle on doit avoir liberté de commerce et de conscience, n’a pas été commencée au mois de mai comme je l’espérais ; mais du moins les rues en sont tracées ; tout le terrain est acheté, et le port est presque fini. Ainsi, vous et vos amis, vous pouvez absolument compter sur ce que j’avais l’honneur de vous mander. La première pierre qui sera posée à cette ville sera la plus heureuse époque de ma vie, que je finirai sans regret, quoiqu’au milieu des souffrances.

J’ai l’honneur d’être, etc.

8062. — À M. TABAREAU[1].
24 octobre.

J’adressai par la dernière poste, à mon cher philosophe correspondant, un petit paquet pour le graveur de Henri IV, de Louis XIV et de leur barbouilleur. Voici maintenant deux paquets, l’un pour M. Capperonnier et l’autre pour un phycisien qui n’est point du tout de l’avis de M. de Buffon sur les coquilles et sur les montagnes. J’ai pris aussi la liberté de demander la feuille de l’Ane littéraire, où une certaine édition est annoncée. J’ai poussé l’indiscrétion jusqu’à demander encore les Mémoires de Russie par le général Manstein. C’est un peu abuser de vos bontés ; mais puisque je suis en train, j’insiste pour savoir s’il est vrai qu’on a arrêté M. Dupaty, l’avocat général de Bordeaux ; je m’y intéresse infiniment.

J’ai lu enfin les canaux et les lettres de M. Linguet. Cet homme est intrépide ; il traite Cicéron comme le dernier des hommes, et n’est en rien de l’avis de personne. Paris a donc aussi son Jean-Jacques ; mais puisqu’il n’est que Parisien, il n’aura jamais autant de vogue à Paris qu’un étranger.

Je vous ai envoyé aussi un reçu de Chirol. Voilà tout. Le pauvre malade vous embrasse de tout son cœur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.