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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/281

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ANNÉE 1770.

On prétend que, dans son discours des mercuriales, il a chanté la palinodie, et fait réparation d’honneur aux gens de lettres ; mais personne n’est tenté de l’en remercier, non plus qu’un barbet qu’on a rossé, et qui vient vous lécher les jambes.

Je ne chercherai point, mon cher ami, à me faire valoir auprès de vous, en vous laissant croire que j’ai écrit le premier au roi de Danemark[1]. Il est très-vrai que ce prince m’a prévenu, sans même que je l’eusse fait solliciter par personne ; mais il ne l’est pas moins que, durant son séjour à Paris, je lui ai parlé de vous avec les sentiments que vous m’avez depuis si longtemps inspirés. Il est encore plus vrai que je ne désespère pas d’obtenir pour cette statue d’autres souscriptions, qui peut-être vous flatteront encore davantage[2] ; mais ce projet n’est pas mûr encore, et je vous en rendrai compte dans quelques mois, si, comme je l’espère, il vient à bien. En attendant, ne parlez de ceci à personne.

J’ai prié un des amis intimes de l’archevêque de Toulouse, et des miens, de lui écrire au sujet des plaintes que vous en faites. Je vous demande en grâce, mon cher maître, de ne point précipiter votre jugement, et d’attendre. sa réponse, dont je vous ferai part. Je gagerais cent contre un qu’on vous en a imposé, ou qu’on vous a du moins fort exagéré ses torts. Je connais trop sa façon de penser pour n’être pas sûr qu’il n’a fait en cette occasion que ce qu’il n’a pu absolument se dispenser de faire ; et il y a sûrement bien loin de là à être déclamateur, persécuteur et assassin.

Nous avons, dites-vous, pour notre Église l’empereur de la Chine, le roi de Prusse, la czarine, le roi de Danemark, etc., etc. Hélas, mon cher confrère, je vous répondrai par ces deux vers de votre charmante épître au roi de la Chine :


Les biens sont loin de nous, et les maux sont ici :
C’est de l’esprit français la devise éternelle.


Mon compagnon de voyage[3], qui regarde le temps où il a été chez vous comme le plus heureux de sa vie, vous embrasse et vous aime de tout son cœur. Ma santé est passable ; j’espère que l’exercice et le régime achèveront de la rétablir. Vale, et me ama.

Il y a apparence que M. Gaillard sera notre confrère. Votre recommandation n’est pas le moindre de ses titres.

8108. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[4]
Au château de Ferney, par Genève, 5 décembre.

Monsieur, vous ne m’avez rien écrit sur vos vignes cette année ; je me flatte que la bénédiction de Jacob est tombée sur

  1. Voyez lettre 8104.
  2. Sans doute Louis XV ; voyez lettres 8116 et 8118.
  3. Condorcet.
  4. Éditeur, Th. Foisset. - En entier de la main de Voltaire.