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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/42

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dit que les dévotes se trémoussent prodigieusement à Paris et à Versailles. Je m’intéresse passionnément à ce saint homme ; s’il est pendu, je veux avoir de ses reliques. Il y a quelques années qu’on fit cette cérémonie à un nommé l’abbé Fleur, bachelier de Sorbonne, qui, dit-on, ne prêchait pas mal.

Si les quatrains sur mon capuchon ne vous déplaisent pas absolument, il y en a d’autres encore plus mauvais qui sont entre les mains de votre grand’maman, et qu’elle pourra vous montrer. Elle a eu pour moi des bontés dont je suis confus. C’est à vous, madame, que je dois toutes les grâces dont elle m’a comblé. Je n’ai nulle idée de sa jolie figure ; je ne la connais que par son soulier. Jouissez, pendant quarante ans, madame, d’une société si délicieuse ; je vous serai entièrement attaché tant que ma vie durera, mais elle ne tient à rien.

7842. ― DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, le 26 mars.

Mon cher et illustre ami, je pourrais vous dire comme Agrippine :


Non, non, mon intérêt ne me rend point injuste.

(Racine, Britannicus, acte I, scène i.)


Je sais que la personne dont vous me parlez#1 fait profession de haine pour la philosophie et les lettres ; je ne sais pas non plus si l’État a plus à s’en louer que la philosophie ; mais je lui reconnais des qualités très-louables, et je sais qu’en particulier vous avez à vous en louer beaucoup. Je trouve seulement que son éloge eût été mieux placé dans cent autres endroits du Dictionnaire, qu’il ne l’est à la première page, et à propos de la lettre A. À l’égard du contrôleur général (que Dieu absolve !), il me fait aussi perdre à moi environ cinq à six cents livres, et c’est le denier de la veuve. Jusqu’à présent nous voyons comment il sait prendre ; le temps nous fera voir comment il saura payer. Tout mis en balance, la personne que vous louez me paraît en effet la plus louable de ses semblables ; vous en avez loué d’autres qui assurément le méritaient moins, et dont vous n’avez pas eu depuis à vous louer beaucoup.

À l’égard de notre petite controverse poétique et grammaticale, je conviens d’abord que françois est absurde, et que français est plus raisonnable ; mais pourquoi employer deux lettres a i pour marquer un son simple comme celui de l’e dans procès ? La raison de l’étymologie me paraît faible, car il y a mille autres mots où l’orthographe fait faux bond à l’étymologie, et avec raison, parce que la première règle, et la seule raisonnable, est[1]

  1. Le duc de Choiseul ; voyez lettre 7833.