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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/445

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ANNÉE 1771.

déplaît aux deux partis ; mais, à la longue, la franchise et la pureté des sentiments réussissent toujours.

J’ose penser aussi qu’à la longue le nouveau système réussira, parce que c’est le bien de la France.

Ce qui alarme le plus les provinces, c’est la crainte des nouveaux impôts, c’est la douleur de voir qu’après neuf ans de paix les finances du royaume soient dans un état si déplorable, tandis qu’une trentaine de financiers, qui ont fait des fortunes immenses, insultent par leur faste à la misère publique.

J’ai dit à mon héros tout ce que j’avais sur le cœur ; j’ajoute très-sérieusement que mon plus grand chagrin est de mourir sans avoir la consolation de lui faire encore une fois ma cour ; mais les circonstances présentes ne me le permettent pas, et mon triste état me prive absolument de ce que j’ambitionnais le plus.

Je suis très-aise que vous ayez rendu vos bonnes grâces à un homme[1] qui était en effet très-affligé de les avoir perdues, et qui sentait toutes les obligations qu’il vous avait. J’ai été quelquefois fâché contre lui d’avoir mis dans mes pièces des vers que je ne voudrais pas avoir faits ; mais dans l’amitié il faut se pardonner ces petits griefs. Ce serait un grand malheur de se brouiller avec ses amis pour des vers ou pour de la prose.

Voilà trop de prose ; je vous en demande bien pardon. Agréez mon très-tendre respect, et tous les sentiments qui m’attachent inviolablement à vous tant que je respirerai.

8289. — À M. LE CLERC DE MONTMERCY[2].
22 mai.

J’ai toujours le temps de vous aimer, monsieur, mais jamais celui de vous écrire. Ma chétive vieillesse est accablée de maux ; je perds les yeux ; j’ai une colonie à soutenir qui fatiguerait un homme de trente ans bien robuste. Je me console à peine par des Questions sur l’Encyclopédie que je voudrais bien vous faire tenir. En attendant, voici un petit ouvrage de province[3] qui m’est tombé entre les mains ; il m’a paru qu’il y avait des vérités : c’est pourquoi je vous l’envoie.

Portez-vous mieux que moi, et conservez-moi votre amitié.

  1. Le comte d’Argental.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Les Peuples aux parlements.