Je n’eus point en don le génie ;
Mais la goutte qui me retient
Sur mon grabat à l’agonie,
Vient par sa généalogie
De la même dont fut atteint
Cet aimable Sybaritain.
Je vois que par détail il faut quitter la vie
Ou plus tôt ou plus tard ; les ressorts sont usés :
L’un ne digère plus, l’autre a les yeux blessés ;
De sourds et de perclus la gente moribonde
Transportent en ballots par bonne occasion
Leur gros bagage en l’autre monde,
Jusqu’à la dissolution
Qui rassemble le tout dans le séjour immonde.
Pour moi, je sens déjà crouler le bâtiment,
Mes pieds estropiés perdent leur mouvement ;
Couvert de mes débris, je me fais une fête
Que de maux conjurés l’implacable tempête,
Par hasard jusqu’en ce moment,
Ait encore épargné ma tête.
Mes maux m’ont empêché de répondre à votre charmante lettre. Les sons de votre lyre se sont fait entendre dans le Tartare, où j’étais à la gêne ; ils ont fléchi les tyrans qui m’opprimaient ; ils m’ont rendu à la vie, comme autrefois Orphée sut délivrer Eurydice. Le premier usage que je fais de ma convalescence est de remercier l’Orphée ou l’Apollon qui me l’a procurée, et de lui envoyer en tribut une faible production de malade[2]. J’attends le retour de mes forces pour vous en dire davantage, en implorant la nature pour qu’elle conserve la seule colonne du Parnasse qui nous reste, et ce bras armé du foudre de la raison, qui a écrasé la superstition et le fanatisme.
Mon cher grand écuyer, il faut que frère François mette tout au pied de son crucifix. Les livres qui font ma consolation ne me viennent point, il faut que l’abbé Terray ait arrêté les guimbardes avec les rescriptions. Il m’a pris tout mon bien de patrimoine, et fort au delà. Non-seulement il me traite en capucin,