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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/523

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ANNÉE 1771.
8371. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
20 septembre.

Voici ce que le vieux solitaire, le vieux malade, le vieux radoteur dit à son cher ange :

1° Il a reçu la lettre du 14 septembre.

M. de La Ferté[1] ne sait pas que, de ces deux portraits, l’un est de madame la dauphine, et l’autre de la reine de Naples ; ce qui me fait soupçonner que ces deux portraits ne sont pas trop ressemblants. Puisque mon cher ange est lié avec M. de La Ferté, je le prie, au nom de ma petite colonie, de vouloir bien nous recommander à lui ; elle fournira tout ce qu’on demandera, et à très-bon marché.

3º Le jeune auteur des Pelopides m’a montré sa nouvelle leçon, qui est fort différente de la première. Il est honteux de son ébauche ; il vous prie instamment de la renvoyer, et de nous dire comment il faut s’y prendre pour vous faire tenir la leçon véritable.

M. Lantin le Bourguignon se flatte toujours que le célèbre Lekain prendra son affaire d’Afrique[2] en considération.

5° Si, dans l’occasion, mon cher ange peut faire quelque éloge de nos colonies à M. le duc d’Aiguillon, il nous rendra un grand service. Figurez-vous que nous avons fait un lieu considérable d’un méchant hameau où il n’y avait que quarante misérables, dévorés de pauvreté et d’écrouelles. Il a fallu bâtir vingt maisons nouvelles de fond en comble. Nous avons actuellement quatre fabriques de montres, et trois autres petites manufactures. Loin d’avoir le moindre intérêt dans toutes ces entreprises, je me suis ruiné à les encourager, et c’est cela même qui mérite la protection du ministère. Le simple historique d’un désert affreux, changé en une habitation florissante et animée, est un sujet de conversation à table avec des ministres. M. le duc de Choiseul avait daigné acheter quelques-unes de nos montres pour en faire des présents au nom du roi. Nos fabriques les vendent à un tiers meilleur marché qu’à Paris. Presque tous les horlogers de Paris achètent de nous les montres qu’ils vendent impudemment sous leur nom, et sur lesquelles ils gagnent non-seulement ce tiers,

  1. L’un des intendants des menus-plaisirs du roi ; voyez tome XXIV, page 240.
  2. La tragédie de Sophonisbe, donnée comme l’ouvrage de Lantin ; voyez tome VII, page 34.