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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/535

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ANNÉE 1771.

Je présume qu’il en est ainsi dans le reste du royaume. On s’appesantit plus sur les philosophes que sur les réformés ; mais si les uns et les autres ne parlent pas trop haut, on les laissera respirer en paix ; c’est tout ce que l’on peut espérer dans la situation présente. Le gouvernement ne s’occupera jamais à déraciner la superstition ; il sera toujours content, pourvu que le peuple paye et obéisse. On laissera le prépuce de Jésus-Christ dans l’église du Puy en Velay, et la robe de la vierge Marie dans le village d’Argenteuil. Les possédés qui tombent du haut mal iront hurler la nuit du jeudi saint dans la Sainte-Chapelle de Paris et dans l’église de Saint-Maur ; on liquéfiera le sang de saint Janvier à Naples. On ne se souciera jamais d’éclairer les hommes, mais de les asservir. Il y a longtemps que, dans les pays despotiques, sauve qui peut ! est la devise des sujets.

8386. — À MADAME LA DUCHESSE DOUAIRIÈRE D’AIGUILLON.
À Ferney, 16 octobre.

Madame, je vous ai importunée deux fois fort témérairement : la première, pour un gentilhomme[1] qui disait n’avoir point tué un prêtre, et qui l’avait tué ; la seconde, pour moi, qui disais ne point recevoir de réponse de M. le duc d’Aiguillon, et qui, le moment d’après, en reçus une pleine d’esprit, de grâces et de bonté, comme si vous l’aviez écrite. Cela prouve que je suis un homme de soixante-dix-huit ans, très-vif et très-impatient, ce qui autrement veut dire un radoteur ; mais je ne radote point, en étant persuadé que M. le duc d’Aiguillon écrit mieux que M. le cardinal de Richelieu, et que je vous donne sans difficulté la préférence sur Mme la duchesse d’Aiguillon, première du nom.

Il est vrai que je meurs dans l’impénitence finale sur les Testaments[2] ; mais aussi je meurs dans le respect et dans la reconnaissance finale avec laquelle j’ai l’honneur d’être, madame, etc.

  1. Le comte de Beaufort ; voyez lettre 8351.
  2. Voltaire a toujours soutenu que le Testament du cardinal de Richelieu n’était pas l’ouvrage du cardinal.