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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/545

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ANNÉE 1771.

assez d’esprit pour former une vessie et tous ses accompagnements, pourquoi n’a-t-elle pas eu assez d’esprit pour la préserver de la pierre ? On est obligé de me répondre que cela n’était pas en son pouvoir, et c’est précisément ce qui m’afflige.

J’admire surtout votre modestie éclairée, qui ne veut pas encore décider sur la cause et la formation de ces calculs. Plus vous savez, et moins vous assurez. Vous ne ressemblez pas à ces physiciens qui se mettent toujours sans façon à la place de Dieu, et qui créent un monde avec la parole. Rien n’est plus aisé que de former des montagnes avec des courants d’eau, des pierres calcaires avec des coquilles, et des moissons avec des vitrifications ; mais le vrai secret de la nature est un peu plus difficile à rencontrer.

Vous avez ouvert, monsieur, une nouvelle carrière par la voie de l’expérience ; vous avez rendu de vrais services à la société : voilà la bonne physique. Je ne vois plus que par les yeux d’autrui, ayant presque entièrement perdu la vue à mon âge de soixante-dix-huit ans ; et je ne puis trop vous remercier de m’avoir fait voir par vos yeux.

J’ai l’honneur d’être, etc.

8396. — À CATHERINE II,
imperatrice de russie.
À Ferney, 2 novembre.

Madame, j’aime toujours mieux prendre la liberté d’écrire à mon héroïne qu’à Moustapha, qui n’est point du tout mon héros. J’aurais, à la vérité, beaucoup de plaisir à lui rire au nez sur la belle reprise de Giurgi, ou Giorgiova, et sur la défaite totale de ce terrible Oginski.

J’ai bien peur qu’on n’ait trouvé quelques-uns de nos Welches parmi leurs prisonniers : Que diable allaient-ils faire dans cette galère[1] ?

Apparemment que Votre Majesté impériale avait donné le mot à mon cher Ali-bey, pour qu’il reprit Damas et la sainte Jérusalem, pendant que Votre Majesté reprendrait Giorgiova. Si cette aventure de Damas est vraie, je n’ai plus d’inquiétude que pour le sérail de mon cher Moustapha. On me flatte que M. le comte Alexis Orlof est maître de Négrepont ; cela me donne des

  1. Fourberies de Scapin, acte II, scène iii.