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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/99

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7896. — À M. HENNIN.
Samedi au soir.

Eût étéJe crois que le bon homme Homère
Eût été très-flatté de dîner avec vous.
Mon destin n’est pas fait pour des plaisirs si doux :
Eût étéHélas ! je ne suis que Voltaire.


J’ai voulu m’essayer. J’ai été chez mes enfants[1] à Maconex aujourd’hui, en robe de chambre ; cela ne m’a pas réussi. Je ne puis mettre un justaucorps. Le canon me tuerait ; le dîner encore plus. Ma faiblesse augmente d’heure en heure. Je dînerai bientôt avec Homère dans les champs Élysées. Je présente ma misère et mon respect à madame votre sœur et à monsieur votre beau-frère[2].

7897. DE CATHERINE II,
impératrice de russie.
Le 16-27 mai.

Monsieur, un courrier parti de devant Coron en Morée, de la part du comte Féodor Orlof, m’a apporté l’agréable nouvelle qu’après que ma flotte eut abordé le 17 février à Porto-Vitello, mes troupes se joignirent aux Grecs, qui désiraient de recouvrer leur liberté. Ils se partagèrent en deux corps, dont l’un prit le nom de légion orientale de Sparte ; et le second, celui de légion du nord de Sparte. La première s’empara dans peu de jours de Passava, de Berdoni, et de Misistra[3], qui est l’ancienne Sparte. La seconde s’en alla prendre Calamata, Léontari, et Arcadie. Ils firent quatre mille prisonniers turcs dans ces différentes places, qui se rendirent après quelque défense ; celle de Misistra surtout fut plus sérieuse que les autres.

La plupart des villes de la Morée sont assiégées. La flotte s’était portée de Porto-Vitello à Coron ; mais cette dernière ville n’était point prise encore le 29 de mars, jour du départ du courrier. Cependant on en attendait si bien la réduction dans peu qu’on avait déjà dépêché trois vaisseaux pour s’emparer de Navarin. Le 28, on avait reçu la nouvelle devant Coron d’une affaire qui s’était passée entre les Grecs et les Turcs, au passage de l’isthme de Corinthe. Le commandant turc a été fait prisonnier en cette occasion.

Je me hâte de vous donner ces bonnes nouvelles, monsieur, parce que je sais qu’elles vous feront plaisir, et que cela est bien authentique, puis-

  1. M. et Mme Dupuits.
  2. M. et Mme Legendre.
  3. Ou Misitra, qui, selon Guillet, doit son nom au fromage qu’on fait dans le pays ; voyez l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, de Châteaubriand.